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« Ceux que vous faites revivre, faites-les revivre dans la foi, et que ceux d’entre nous que vous faites mourir meurent vrais croyans !

« Préparez-nous à une bonne mort ; que cette mort nous donne le repos et la faveur de vous voir !

« Amin ! »


Cette prière terminée, pendant que les tolbas disent le salat el mokteâat, on descend le cadavre dans la fosse, la figure tournée du côté de La Mecque ; on l’y enchâsse avec de larges pierres, et chaque assistant se fait honneur de lui jeter un peu de terre. Les fossoyeurs nivèlent enfin la tombe, et, pour la protéger contre les hyènes et les chacals, la recouvrent de buissons épineux.

C’est le moment du retour, et tout le monde reprend le chemin de la tribu, moins quelques femmes, amies ou parentes du défunt, qui, pleines de douleur, inclinées sur sa tombe, lui parlent, le questionnent, et lui font des adieux comme s’il pouvait les entendre. Mais les tolbas et les marabouts s’écrient :


« Allons, les femmes, retirez-vous avec la confiance en Dieu, et laissez le mort s’arranger tranquillement avec Azraïl[1]. Cessez vos pleurs et vos lamentations ; la mort est une contribution frappée sur nos têtes. Nous devons tous l’acquitter. Il n’y a pas de choix, il n’y a pas d’injustice dans cet événement. Dieu seul est éternel. Quoi ! nous accepterions la volonté de Dieu quand elle nous apporte la joie, et nous la refuserions quand elle nous apporte le chagrin ! Allons, vos cris sont une impiété. »


Elles comprennent ces paroles, et, les mains sur les yeux, sortent du cimetière, mais en se retournant à chaque pas pour crier leurs derniers adieux à celui qu’elles ne reverront qu’au jour du jugement.

Cette oraison funèbre est celle qui se prononce au désert sur toutes les tombes. La monotonie d’habitude est compagne de la grandeur. Si les mœurs arabes n’ont point de variété, elles sont imposantes et solennelles.


GENERAL E. DAUMAS.

  1. Azraïl est l’ange de la mort. Aussitôt qu’un homme a rendu le dernier soupir, Azraïl est envoyé par Dieu pour établir la balance des bonnes et des mauvaises actions du défunt.