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ambitions rivales à concilier, s’augmente de jour en jour avec l’espace que chaque jour aussi la fatalité de la conquête ajoute à l’empire l’hndo-britannique.

La solution définitive de ce problème apparaît parfois comme redoutable à l’Angleterre elle-même. Serait-elle en effet exposée à trouver, sans qu’elle eût le droit de s’en plaindre, une cause de ruine dans le triomphe de ses armes, de son intelligence et de son industrie, à trois mille lieues du centre naturel de sa force et de sa nationalité ? Les tendances actuelles du monde civilisé semblent indiquer, ou du moins rendent possible, et jusqu’à un certain point probable, une solution moins affligeante pour l’orgueil britannique. Cette solution, désirée ou même prévue par plusieurs esprits éminens dans l’Inde et dans l’Europe occidentale, a été indiquée par le ministère anglais, dans les deux dernières sessions du parlement, comme le but vers lequel devaient tendre désormais tous les efforts du gouvernement hindo-britannique. Elle se résume en cette formule : « Élever de plus en plus la condition sociale des peuples de l’Hindoustan, et les mettre en état de s’administrer eux-mêmes un jour à l’aide des principes et des lois dont l’Angleterre leur aura fait comprendre l’utilité et soigneusement enseigné l’application bienfaisante. »

En effet, la Providence, qui a confié momentanément à l’Angleterre les destinées de l’Hindoustan, permettra peut-être que, par un miracle de sagesse et de prudence humaines, les Anglais se ménagent la possibilité de renoncer un jour avec dignité, sans collision violente (soit avec l’invasion étrangère, soit dans l’intérieur de l’empire), sans précipitation en un mot et sans secousse, à la domination gigantesque qu’ils exercent. La lutte est engagée en Orient entre le génie de la domination européenne et la résistance rationnelle ou instinctive des peuples asiatiques. Quelle que soit, au point de vue des intérêts anglais, français ou russes, l’issue de cette lutte, nous avons tout droit d’espérer que la cause de l’humanité se dégagera puissante et progressive du choc des événemens qui peuvent encore ébranler le monde.

En ce qui touche à l’Hindoustan, la question, si vaste et si complexe qu’elle puisse paraître encore, repose sur des bases connues et précises. Quand on cherche à apprécier l’action et la réaction des peuples que la Providence a successivement amenés des extrémités du monde pour changer la face de cet empire, on arrive à ce résultat : — Parmi les races occidentales qui ont été admises à essayer leurs forces dans cette immense arène, les portugais, les Hollandais, les Français eux-mêmes, n’ont réussi à organiser rien de grand et de durable ; les Anglais seuls ont senti toute l’importance du rôle qui leur était dévolu par la retraite de la France ; seuls ils ont