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Quand on te fera quelque rapport contre elle, tu n’en croiras pas un mot, et dans tous les cas, tu te consoleras en te souvenant des maximes des sages qui recommandent la résignation. — Et si elle est acariâtre et me cherche querelle ? — Eh bien ! tu iras te promener. — Et si elle aime le vin ? — Alors tu mettras de l’eau dans tes barils. Mais de quelque façon que tu te conduises avec elle, il faut faire une ample provision de patience, car, je t’en préviens.


Tu seras homme plus martyr
Que saint Laurent qu’on fit rostir.


Le mari paie la consultation quatre écus, et s’en va en disant :


Je voy bien qu’il me faut souffrir.
Et mon corps à tourment offrir.


La Farce de l’Obstination des Femmes est le développement dialogué de ce vieux dicton : Ce que femme veut. Dieu le veut. La scène s’ouvre par un mari qui se lamente, comme toujours, sur les tracas du ménage. — Travaillons, dit-il, car si ma femme me trouvait à ne rien faire, elle me battrait. Voyons, je vais arranger une cage, et j’y mettrai ma pie, qui m’amusera par son babil. — La femme arrive. — Que faites-vous là ? pour quel oiseau préparez-vous cette cage ? — Pour une pie ; c’est un bel oiseau qui parle comme un docteur. — Eh bien ! je vous dis, moi, reprend la dame, que je ne veux pas d’une pie. Vous y mettrez un coucou, et si vous me refusez, je vous bats, je vous mords et je vous quitte. — Le pauvre mari essaie en vain quelques observations. Il se désole de voir qu’un motif aussi futile excite de pareilles tempêtes ; les prières et les protestations ne font qu’irriter de plus en plus son opiniâtre moitié ; elle crie d’autant plus fort qu’il insiste plus vivement pour qu’elle se taise. — Je la tuerais, dit-il, qu’elle crierait encore. — Et enfin, pour rétablir la paix, il ne voit d’autre moyen que de promettre à sa femme l’oiseau qu’elle désire, en s’engageant à lui en rapporter un, lors même qu’il ne pourrait en trouver.

Dans les pièces du genre de celles dont nous venons de parler, ce sont presque toujours les maris qui, en dernière analyse, se trouvent mystifiés. Il en est cependant quelques-unes où, par exception, le dénoûment tourne contre les femmes ; nous citerons comme exemple la Farce du Cuvier, jouée par trois personnages, Jaquinot, sa femme et sa belle-mère.

— Peste soit de l’union conjugale ! dit Jaquinot en entrant en scène, car c’est là le début obligé.


Ce n’est que tempeste et orage.


Ma femme crie le matin et le soir, le jour et la nuit ; mais j’en aurai raison. — Arrive la belle-mère, qui tance vertement son gendre et lui démontre que la première vertu d’un mari est l’obéissance passive. La femme, de son côté, enchérit sur cette théorie, et promet à l’avenir d’être la plus douce et la plus aimable du monde, pourvu que Jaquinot s’engage à faire toutes ses volontés.


Pour vous mieulx souvenir du faict,
Il vous convient faire ung roullet,
Et mettre tout en ung feuillet
Ce qu’elle vous commandera,