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de commerce avec les indigènes au nom de la ligue hanséatique. L’église vient en aide à ces pacifiques conquérans ; les héritiers de ces moines irlandais qui, cinq siècles auparavant, avaient porté le christianisme aux Germains, accompagnent les marchands de la hanse chez ces peuplades sauvages. Le premier ecclésiastique de la colonie, un moine augustin nommé Meinhard, élève une église et un couvent et commence la conversion des Livoniens. Dès que ces faits sont connus, l’évêché de Livonie, établi aussitôt par le pape Alexandre III, est confié au courageux moine, et le troisième évêque, Albrecht, institue en 1201, à l’imitation des johannites et des templiers, l’ordre des chevaliers du Christ ou des chevaliers porte-glaives pour la conquête de la Livonie. À la mort d’Albrecht, l’administration du pays passe de l’évêque de Riga aux chefs des chevaliers du Christ. Malgré de longues dissensions intestines entre l’évêque et les chevaliers, le gouvernement de l’ordre fut glorieux, et la Livonie fut bientôt soumise tout entière avec une partie de l’Esthonie et de la Courlande. Pendant deux siècles de lutte contre la Russie, les chevaliers eurent à essuyer parfois de sanglantes défaites, mais ils restèrent toujours maîtres de la ville de Riga ainsi que des pays qu’elle commande, et même dans la terrible insurrection des paysans lettes et esthoniens au XVe siècle, insurrection provoquée et soutenue par les Russes, aucune des forteresses élevées par les Allemands en Livonie ne courut de sérieux dangers. L’époque brillante de l’ordre, c’est le règne de Walther de Plettenberg qui gouverna le pays de 1493 à 1535. Les provinces baltiques formaient alors comme un petit royaume. Walther eut l’ambition de fonder une dynastie ; il ne réussit qu’à se faire nommer prince de l’empire d’Allemagne ; mais il était maître en réalité d’un état prospère et puissant, et quand le protestantisme vint recueillir en Livonie et en Courlande l’héritage glorieux des catholiques, l’Allemagne semblait dignement représentée à ces avant-postes de la civilisation contre la barbarie. Malheureusement, tandis que les Russes tenaient toujours les yeux fixés sur la Livonie, l’Esthonie et la Courlande, les Allemands avaient à se défendre contre l’ambition des princes Scandinaves. Le XVIe et le XVIIe siècle sont remplis par des guerres sans fin où la Pologne, le Danemark et la Suède se disputent comme une proie ces provinces baltiques, fécondées par le sang et les sueurs de l’Allemagne. Si les successeurs de Walther de Plettenberg demandent du secours à la mère-patrie, l’empereur leur fait répondre de se mettre sous la protection des Russes. Il y avait longtemps que la Livonie était passée des ducs allemands aux rois de Danemark, et des rois de Danemark aux rois de Suède, lorsque Pierre le Grand, après la victoire de Pultava, en fit une province de son empire.