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Reinhold Forster, de visiter les colonies allemandes du Volga. Forster partit accompagné de son fils, et après avoir vu tout ce qui manquait à ces braves gens, il écrivit un mémoire qu’il vint présenter à Catherine II ; mais le consciencieux pasteur n’avait pas craint de signaler les exactions du gouverneur de la province, son mémoire fut rejeté avec dédain, et c’est à peine si on lui permit de retourner à Dantzig. Il resta quelques années à Saint-Pétersbourg dans une sorte de captivité, obligé pour gagner sa vie de fournir des traductions à des libraires. Il fallut bien alors que les colons ne comptassent que sur eux-mêmes. Le travail, l’économie, la confiance en Dieu et les bonnes mœurs firent plus pour ces honnêtes populations que n’eussent fait les faveurs de Catherine.

Presque tous les voyageurs allemands en Russie ont donné de touchans tableaux de ces colonies du Volga. Le publiciste Erdmann, qui les visita en 1815 après un séjour de cinq années chez les Russes, décrit en nobles termes les émotions dont il fut agité quand il retrouva sur les bords du Volga les mœurs et la langue de l’Allemagne. « Je me croyais, dit-il, transporté par un pouvoir magique au sein même de ma patrie. Ni l’éloignement de la terre natale, ni cette installation d’un demi-siècle au milieu de peuplades si différentes, ni l’influence du climat et du sol n’avaient pu effacer chez eux les traditions paternelles ; c’était le même idiome, la même manière de vivre, les mêmes pratiques agricoles, la même organisation de la famille et de la commune. Un examen attentif aurait bien surpris çà et là certaines modifications dans la langue et dans les usages, modifications causées par le mélange des peuples de la mère-patrie, comme aussi, il faut l’avouer, par l’action d’un ciel moins heureux et d’un gouvernement si peu semblable au nôtre ; mais enfin c’était toujours l’Allemagne. » M. Alexandre de Humboldt visita aussi en 1829 ces colonies germaniques perdues au milieu des plus rudes contrées et des tribus les plus redoutables ; il les trouva en pleine prospérité. D’autres voyageurs, Ehremberg et Rose, rapportèrent les mêmes impressions ; ils avaient tous été frappés de la propreté, de la bonne tenue, de la rustique élégance de leurs habitations, toutes choses si douces à rencontrer dans les villages de la Forêt-Noire et de la vallée du Neckar, et plus précieuses encore à quelques werstes des Kalmoucks.

Les colonies du Dnieper ont aussi une physionomie pleine d’intérêt. Ce furent surtout des émigrations religieuses. Il y avait plus de vingt-cinq ans déjà que Catherine avait fait appel aux agriculteurs d’Allemagne, lorsque trois cent trente familles mennonites quittèrent la Prusse et allèrent s’établir dans la Russie méridionale. On sait que les mennonites sont une secte protestante qui se rattachait aux anabaptistes, tout en détestant leurs violences ; ils ont formé