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refusa de donner sa sœur Amélie au grand-duc héritier de Russie, « considérant, disait-il, comme un déshonneur pour l’état qu’une princesse prussienne abandonne sa religion. » - Et c’est pour cela, s’écrie M. Stacker avec un noble accent qui contient bien des reproches, c’est pour cela que nous l’appelons Frédéric le Grand ! — Mais dans toutes les cours protestantes du nord et du sud-ouest de l’Allemagne, en Prusse, dans le Wurtemberg, dans la Hesse électorale et la Hesse grand-ducale, même dans les états les moins influens, dans le duché de Nassau, dans le duché d’Oldenbourg, voyez avec quelle persévérance les deux derniers empereurs de Russie ont su pénétrer par des mariages au sein des affaires germaniques !

Le tsar Alexandre avait été marié par sa grand’mère à une princesse badoise ; le tsar Nicolas a épousé, en 1825, la fille de Frédéric-Guillaume III, la sœur du roi de Prusse aujourd’hui régnant. Une sœur d’Alexandre et de Nicolas, Catherine Paulovna, veuve d’un prince d’Oldenbourg, épouse le 24 janvier 1816 le roi de Wurtemberg, Guillaume Ier ; la reine de Wurtemberg meurt trois ans après, mais bien que le roi veuf se remarie à une princesse allemande, le passage de Catherine Paulovna à la cour de Stuttgart y a établi des relations russes qui se continuent naturellement. Le fils aîné du roi, le prince Charles, héritier de la couronne, est marié le 13 juillet 1846 à la grande-duchesse Olga, fille du tsar Nicolas. Une de ses nièces, la princesse Charlotte, aujourd’hui Hélène Paulovna (les princesses allemandes qui se marient en Russie ne changent pas seulement de religion), avait épousé le 20 février 1824 le grand-duc Michel, quatrième fils du tsar Paul. Est-ce tout ? Non. Le gendre du roi de Wurtemberg, le prince Frédéric, est chef d’un régiment d’uhlans moscovites, un des cousins du roi, le prince Eugène, est général d’infanterie au service des tsars ; un de ses oncles, le duc Alexandre, mort en 1833, avait été aussi général en chef en Russie et directeur de toutes les voies de communication de l’empire ; enfin deux fils de ce duc, le duc Frédéric-Guillaume Alexandre et le duc Ernest, ont été tous les deux majors-généraux dans l’armée russe. Vous savez ce que furent dernièrement ces conférences de Bamberg où les petits états de l’Allemagne du midi, par de perfides prétentions de neutralité, essayèrent d’entraver les décisions de l’Autriche. Le Wurtemberg y joua le principal rôle, et l’on ne comprenait guère qu’un gouvernement éclairé, libéral en maintes rencontres, un gouvernement qui respecte la tribune et qui administre avec des chambres, eût pris cette singulière altitude. Le rôle du Wurtemberg a-t-il encore besoin d’explication ?

La Hesse électorale et la Hesse grand-ducale ne sont pas moins liées que le Wurtemberg à la famille impériale de Russie. Dans la Hesse grand-ducale, la sœur du grand-duc Louis III, la princesse