HERBERT DE CHERBURY.
Un grand seigneur qui écrit sur la métaphysique est toujours un personnage fort rare. Il l’est encore davantage, s’il conserve avec les goûts philosophiques les mœurs et les idées d’un grand seigneur, s’il est, en même temps qu’un faiseur de systèmes, un coureur d’aventures chevaleresques, s’il unit à la curiosité d’esprit du commencement du XVIIe siècle la hauteur batailleuse d’un gentilhomme de la même époque, s’il est à la fois le correspondant de Grotius et de Gassendi et l’ami de Montmorency et de Buckingham. Tel fut lord Herbert de Cherbury. Son nom, encore cité en Angleterre, est en France médiocrement connu ; ses ouvrages ne le sont point. Cependant ils mériteraient de l’être, et il serait juste d’assigner à l’auteur un rang assez élevé dans l’histoire des idées philosophiques et religieuses de son pays, sujet un peu négligé aujourd’hui, la politique ayant à elle seule captivé tout ce que l’imagination du monde accorde à l’Angleterre. Aussi distinguerons-nous ce que lord Herbert a été de ce qu’il a laissé ; sa vie nous occupera plus que ses doctrines. Celles-ci n’inspireraient qu’un intérêt médiocre aux lecteurs de ce recueil. Il n’en sera pas de même de celle-là, nous l’espérons du moins, d’autant qu’en la racontant nous n’avons presque rien à y mettre du nôtre. L’aristocratie d’ailleurs est pour le moment plus à la mode que la philosophie.
Le nom d’Herbert est celui d’une ancienne et noble famille qui figure encore dans la pairie d’Angleterre et dont le titre remonte au XVe siècle[1]. William Herbert, lord de Ragland, descendant d’un
- ↑ Il y a maintenant, je crois, trois pairs du nom d’Herbert : lord Pembroke, dont le titre n’est que de 1551, le premier titre orée sous Édouard IV s’étant éteint ; lord Carniavon et lord Powis. Ce dernier titre, assez ancien dans la famille, en est sorti et doit y être rentré depuis peu. M. Sydney Herbert, qui fait partie du ministère actuel, est frère du comte de Pembroke.