grand, et voyant son ennemi faire le tour du cheval et courir sur lui l’épée haute, il le saisit violemment par les deux jambes et le fit tomber sur le dos. De ses deux valets, l’un s’était enfui ; l’autre le dégagea, et quand il fut debout, il se trouva en face de sir John, qui avait ses estafiers à ses côtés, son frère derrière lui, et qu’entouraient vingt ou trente de ses amis ou des serviteurs du comte de Suffolk, alors grand trésorier d’Angleterre. À ce moment, il fondit avec son épée brisée sur son ennemi, qui couvrit sa tête pour parer le coup, et il lui poussa en pleine poitrine une botte à fond qui le porta par terre, la tête la première. Les assaillans s’apprêtaient à le défendre ou à le venger, quand un Gallois et un Écossais qui se trouvaient là tâchèrent de s’emparer de deux d’entre eux. Herbert n’eut plus affaire qu’aux deux autres, dont il réussit à parer les atteintes. Voyant alors sir John Ayres relevé, il comprit qu’il ne pouvait plus le combattre qu’à la lutte. En écartant son épée de la main gauche, il se sentit percer le côté droit d’un coup de dague ; mais avec un mouvement de son bras droit il le força à lâcher cette arme, que sir Henry Cary, qui se trouvait là, retira de la plaie. Serrant de près sir John, il le frappa à la tête, le terrassa une seconde fois, et de son tronçon d’épée lui fit plusieurs blessures en parant du même mouvement les bottes des autres assaillans. Ceux-ci, voyant le danger de leur chef, le saisirent par la tête et les épaules, et l’emportèrent à travers Whitehall jusqu’aux escaliers de la Tamise, où ils prirent un bateau. Herbert, maître du champ de bataille, y ramassa les armes de son adversaire ; il songea ensuite à faire visiter ses blessures, et il en fut quitte pour dix jours de soins. À peine guéri, il envoya défier sir John Ayres à un duel régulier ; celui-ci lui répondit qu’il avait séduit sa femme et qu’il le tuerait par la fenêtre, d’un coup de mousquet.
L’affaire fit grand bruit. Les lords du conseil privé l’évoquèrent. Ils voulurent voir l’arme brisée, instrument d’une si intrépide défense, et citèrent les deux combattans devant eux. Herbert s’absenta en persistant à faire appeler sir John, qui refusa le cartel et à qui il fallut le présenter à la pointe d’une épée. Il soutenait que sa femme avait été déshonorée et qu’elle-même lui en avait fait l’aveu. Justement offensée, lady Ayres écrivit à sa tante, lady Crook, une lettre où elle donnait un formel démenti à cette double assertion. Quand cette lettre fut dans les mains d’Herbert, il comparut devant le conseil privé. Interrogé parle duc de Lenox, lord grand-maître de la maison royale, il ne répondit qu’on produisant cet important témoignage. La lettre fut lue par le clerc du conseil, et Lenox déclara que sir John Ayres était un misérable, à qui sa femme donnait un démenti et que son père allait déshériter. En même temps il enjoignit à Herbert,