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crédit délivrées sur sa parole. Je remarque que l’une était tirée sur MM. Tallemant et Rambouillet, associés fort connus des lecteurs modernes, et dont il évalue la fortune à 2,500,000 livres[1]. Il se logea à Paris, rue de Tournon, faubourg Saint-Germain, moyennant un loyer de 200 louis. De là il se rendit à Tours, où se trouvait le roi. Nous donnerons le récit textuel de sa première audience :

« J’assurai le roi de la grande affection que lui portait le roi mon maître, non-seulement à raison de l’ancienne alliance entre les deux états, mais parce que Henri IV et le roi d’Angleterre étaient convenus entre eux que le survivant des deux prendrait soin du fils de l’autre. Je lui donnai en outre l’assurance que rien ne m’était autant recommandé par mes instructions que d’établir des rapports de bons offices entre les deux royaumes, et que ce serait grande faute à moi, si ma conduite témoignait d’autre chose que d’un profond respect pour sa majesté. Cela dit, je présentai ma lettre de créance. Le roi m’assura d’une réciprocité d’affection envers le roi mon maître, et me dit que j’étais en particulier le bienvenu à la cour. Ses paroles n’étaient jamais fort abondantes, étant si excessivement bègue, qu’il restait souvent la langue bois de la bouche un bon moment sans pouvoir prononcer un mot. Il avait en outre une double rangée de dents. Rarement ou jamais on ne le vit cracher, se moucher ni beaucoup transpirer, quoiqu’il fût très actif et presque infatigable à la chasse au tir et à l’oiseau, pour laquelle il était passionné, et jamais rien ne l’arrêtait, Quoiqu’il eût ce que nous appelons une rupture, ou qu’il fût herniosus ; car il était cité dans tous les exercices, fallût-il se tenir sur ses jambes au point de fatiguer et ses courtisans et ses valets, étant également insensible, disait-on, au froid et à la chaleur. Son entendement et ses facultés naturelles avaient toute la valeur qu’on peut attendre d’un homme élevé dans une si grande ignorance, ce qu’on avait fait à dessein pour le pouvoir gouverner plus longtemps. Cependant il acquit avec le temps beaucoup de connaissance des affaires, en conversant le plus ordinairement avec gens sages et habiles. Il était noté pour deux dispositions habituelles à tout homme élevé dans l’ignorance, il était soupçonneux et dissimulé. Les ignorans en effet marchant dans l’obscurité, comment pourraient-ils ne pas craindre de faire un faux pas ? Et comme ils sont dépourvus pareillement ou privés des vrais principes par lesquels ils pourraient diriger leurs actions publiques ou particulières d’une manière sage, solide et démonstrative, ils s’efforcent communément d’y suppléer par des moyens couverts, excusables chez les faibles, usités chez ceux qui n’ont à mener que de petites affaires, mais condamnables chez les princes, qui, ayant pour les appuyer dans leur marche la raison et la force, ne devraient pas s’abaisser à de si tristes expédions. Toutefois, je dois le remarquer, jamais cela n’ôta rien à son courage, lorsqu’il eut l’occasion d’en montrer, et sa dissimulation n’alla jamais jusqu’à faire aucun tort privé à ses sujets de l’une ou de l’autre religion.

  1. On peut voir dans les Mémoires de Tallemant Des Réaux qui étaient ces personnages. Rambouillet le financier avait aussi un hôtel et un jardin qu’on allait voir par curiosité.