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d’argent par ceux qui n’avaient pas eu recours encore au crédit et qu’une gêne inattendue mettait dans l’obligation d’emprunter et par ceux que le même état de gêne forçait à retirer leurs dépôts antérieurs. »

Il est de principe et de tradition, depuis que le crédit public, phénomène relativement nouveau dans l’ordre des sociétés, existe en Europe, que les banques qui reçoivent de l’argent en dépôt avec ou sans intérêt, et sous la condition de le restituer sur la demande des déposans ou à bref délai, n’emploient les sommes déposées qu’en prêts à très courte échéance. Elles escomptent des effets de commerce et prêtent sur dépôt de métaux précieux, de marchandises ou de rentes, mais pour un terme qui n’excède pas trois mois, et qui est en moyenne dans les usages de la Banque de France, le plus grand escompteur du continent, de quarante-cinq à cinquante-cinq jours. De cette manière, l’argent ne reste pas emprisonné ni le capital improductif ; il circule sans cesse et va féconder partout l’industrie et le commerce. En même temps il ne s’éloigne pas trop de sa source. Des rentrées quotidiennes mettent les banques en mesure de faire face aux demandes de remboursement, s’il y a lieu. C’est le seul moyen, tout en ne laissant pas les capitaux flottans sans emploi, de donner une base solide aux opérations de crédit et une complète sécurité aux capitalistes.

En bonne règle, les établissemens qui prêtent à longue échéance empruntent de même, ou ne puisent que dans la bourse de leurs actionnaires et n’immobilisent ainsi que le capital qui leur appartient. Partout ailleurs qu’en Russie, les caisses de crédit foncier ne reçoivent en dépôt que des sommes qui doivent être converties en cédules hypothécaires. Les obligations ou lettres de gage qu’elles émettent ne sont remboursables, comme les prêts qu’elles font, que par voie d’annuités. Tantôt elles remettent ces obligations à leurs emprunteurs pour en faire argent, comme cela se pratique en Pologne ; tantôt, abandonnant cette méthode un peu trop primitive, elles négocient elles-mêmes leurs obligations et se procurent ainsi, au cours qui règne sur le marché des fonds publics, les sommes qu’elles ont consacrées ou doivent consacrer à des prêts dont la terre est le gage. Toutes les banques immobilières qui ont accepté des dépôts exigibles sur l’heure ou qui ont émis des billets remboursables, soit à vue, soit à courte échéance, ont fait honteusement naufrage au bout de quelques années. Il était réservé aux établissemens que les tsars ont créés de se lancer à fond de train dans des opérations que la science réprouve et que l’expérience des autres peuples a condamnées sans appel.

Les banques russes doivent à leurs cliens, qui seront bientôt leurs