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de part et d’autre, nous demanderons à M. Lenormant la permission de lui répondre quelques mots, et de revenir encore une fois sur sa thèse, en regrettant toutefois qu’il se soit obstiné à défendre ce qui ne peut être défendu.

« M. Lenormant dit qu’il ne tient pas à passer pour un habile latiniste. Nous lui répondrons que ce dédain pour la philologie romaine nous étonne de la part d’un archéologue, d’un numismate, d’un épigraphiste. Comment en effet restituer avec certitude des inscriptions à demi effacées sur des pierres rongées par les siècles, déchiffrer les légendes des médailles, pénétrer par les textes des auteurs dans les mystères de la civilisation antique, comment en un mot faire de la numismatique latine, de l’épigraphie latine, de l’archéologie latine, quand on n’est point habile latiniste ? En semblable matière, la connaissance de la langue est le véritable outil de la science, et c’est un outil qui ne se remplace pas.

« En terminant sa lettre, on l’a vu, M. Lenormant abrite son latin sous le vidi et le perlegi du respectable doyen de la Faculté des lettres, M. Victor Leclerc, et il nous engage à nous tenir pour averti. Nous n’avions pas besoin de cet avertissement pour savoir comment les choses se passent à la Sorbonne, mais nous nous étonnons à bon droit que M. Lenormant ait fait intervenir la responsabilité de M. Leclerc dans ce débat, où pour notre part nous nous serions toujours abstenu de l’engager. La science du traducteur de Cicéron n’est révoquée en doute par personne, mais on connait aussi son indulgence pour la latinité problématique des aspirans au doctorat qui recommencent à trente ans des études incomplètes, et le vidi et perlegi ne nous prouve qu’une chose, à savoir que M. Leclerc a vu et lu, et qu’il a autorisé l’impression ; mais cela ne prouve nullement, comme on pourrait le croire par ce que dit M. Lenormant, qu’il ait présidé à la correction de la thèse. Il suffit de la lier pour rester convaincu du contraire. Arrivons maintenant à l’examen du passage en question. On verra qu’au lieu d’une faute de grammaire dans un membre de phrase, défiguré par les compositeurs, nous en trouvons quatre dans la phrase entière rétablie par M. Lenormant.

« Nous répétons d’abord, en soulignant, la phrase qui a donné lieu à ce débat : « Nunc, si de origine. Amoris remotissimae antiquitatis vestigia relegas, multa, nec parvi momenti, in comoediae partes apud Graecos transire debuisse conjicies » (page 19). Nous laissons de côté, en la maintenant toutefois, notre première observation, et nous recommençons à nouveaux frais.

« 1o M. Lenormant voudrait-il nous dire à quelle syntaxe appartient le « vestigia de origine ? » Ce n’est pas seulement un barbarisme, c’est une locution qu’on ne peut pas même traduire : les traces ou les débris sur l’origine de l’amour, cela n’a pas plus de sens en français qu’en latin.

« 2o Transire apud Grœcos. — Le verbe transire implique l’idée qu’on vient d’un lieu qui est spécifié pour se rendre dans un autre, parce qu’il faut toujours que trans soit justifié. Nous voyons bien d’après la phrase de M. Lenormant que les traces ou les débris sur l’origine de l’amour sont arrivés chez les Grecs ; mais, pour justifier le verbe transire, nous prendrons la liberté de lui demander d’où ces traces ou ces débris sont partis ?

« 3o Transire in partes n’a jamais signifié autre chose que passer dans un parti politique, embrasser un parti. Transire in partes Caesaris, passer dans