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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/925

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ministre sacré, ô Thalie, qui dans sa pauvre demeure, en chantant, t’éleva un laurier avec les soins d’un long amour, et qui t’offrit des couronnes, et toi, tu répandais le rayon de ton sourire sur les vers dont il perçait le Sardanapale lombard, cet homme qui ne trouve de grâces qu’au mugissement des bœufs dans les antres de l’Adda et sur les rives du Tessin, parce qu’ils font la richesse de son oisiveté et le luxe de sa table. Belle muse, où es-tu ? Je ne sens pas ce parfum d’ambroisie qui annonce ta présence parmi ces arbres au pied desquels je suis assis, et je soupire après le toit de ma mère. Tu venais et tu lui souriais sous ce tilleul, dont les feuilles pendantes frémissent, parce qu’elles ne couvrent pas, ô déesse, l’urne du vieillard à qui elles donnaient le repos et l’ombrage. Peut-être au milieu de nos bruits et de notre foule, tu erres à l’aventure, et tu cherches où dort la tête sacrée de ton Parini. Elle n’a pas eu d’ombrage pour lui dans ses murs, la cité, lascive courtisane de poètes efféminés ; pas une pierre, pas une parole ! Et peut-être le brigand qui expia ses crimes sur l’échafaud a-t-il ensanglanté les ossemens du poêle avec sa tête mutilée… »


Nous avons dit qu’il enviait aux anciens leurs sépultures ; Foscolo est si pénétré de cet esprit de l’antiquité, qu’il en est presque païen. Il ne comprend plus la religieuse poésie de ces tombes qui servaient de pavé à nos églises : on dirait qu’il a perdu le sens chrétien. On lit même avec peine les vers où il parle de l’odeur des morts qui se mêle à celle de l’encens, des images funèbres qui attristent les yeux, et des âmes qui du fond du sanctuaire réclament à leurs héritiers les prières qui se vendent ; mais quand il arrive aux souvenirs de l’antiquité, la froide satire et la fausse philosophie font place à la poésie véritable :


« Les cyprès et les cèdres imprégnaient les zéphyrs de pures exhalaisons, et répandaient, durant un âge éternel, sur les urnes des morts une éternelle verdure ; des vases précieux recueillaient les larmes fidèles. Les amis enlevaient une étincelle au soleil pour illuminer la nuit souterraine, parce que les yeux de l’homme, en mourant, cherchent le soleil, et toutes les poitrines envoient leur dernier soupir à la lumière qui fuit. Les fontaines versant des eaux lustrales nourrissaient les amarantes et les violettes sur le funèbre gazon, et celui qui se posait sur une tombe pour offrir une libation de lait et raconter ses peines à quelque mort chéri sentait se répandre autour de lui un parfum tel qu’un souffle venu du séjour bienheureux des Champs-Elysées. »


Malgré ces beaux passages, nous ne pouvons admirer cette pièce des Tombeaux sans réserve : elle tourne souvent à l’érudition ; les souvenirs mythologiques, historiques et littéraires s’y pressent en foule ; le poète procède souvent par allusion ; il est obligé de se commenter lui-même, d’écrire des notes à la suite de ses vers et de devenir son propre scoliaste. Il est Grec dans ce défaut comme dans ses qualités ; il est Grec, mais non de la bonne époque : il est Alexandrin. Je ne voudrais pas comparer les vers de Foscolo avec ceux de