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d’enseigner la littérature nationale. Monti fut désigné par Napoléon pour la chaire d’éloquence, quand il réorganisa l’université de Pavie. Poussé par les circonstances, il ne craignit pas de tenir aux écoliers un langage plus libéral encore et d’arborer d’une main hardie le drapeau italien. Une sorte d’enthousiasme gagnait le professeur et les élèves. Pleins de confiance dans un présent où l’Italie elle-même était appelée ; au partage de la gloire, un peu injustes même pour le passé, ils se donnaient le plaisir facile de triompher des vieilles entraves brisées ; ils goûtaient la joie innocente et patriotique d’attribuer aux empiétemens de l’église, à l’inquisition, au saint office la stérilité littéraire ou le mauvais goût des générations qui les avaient précédés. Foscolo ne fut pas le successeur immédiat de Monti, mais l’intervalle entre eux fut très court, et il trouva autour de cette chaire ce bruit et ces échos qui sont un aiguillon, mais aussi un danger pour les successeurs des professeurs populaires. Le danger pour Foscolo n’était pas d’être abandonné par l’auditoire. Quoiqu’il n’eût pas comme Monti cette sympathie toujours prête et cette expansion à volonté qui font les professeurs brillans et diserts, il sentait profondément, ce qui est la source de l’éloquence, et sa physionomie expressive et singulière s’emparait aisément de l’attention. Le danger pour lui était dans la popularité de cette chaire qu’il abordait. Là où Monti avait flatté l’amour-propre national, Foscolo éveillait les passions : au lieu d’encourager le mouvement des esprits en le modérant, il le surexcitait en lui reprochant de sommeiller. Si l’ardeur est nécessaire à celui qui enseigne, elle a besoin d’être mesurée. Lorsqu’elle manque au professeur, il n’y a pas de vie dans ses leçons ; il est incapable de communiquer une foi qu’il n’a pas. Cependant le professeur n’est pas simplement un orateur qui plaide une cause, il a charge d’âmes, et pécher par excès est pour lui plus fâcheux que de pécher par insuffisance. Il faut laisser à l’avocat le privilège peu enviable de frapper fort ; le professeur ne doit se préoccuper que de frapper juste. Foscolo assure dans sa correspondance qu’il tomba dans la disgrâce, parce qu’il ne voulut pas louer. Il est possible en effet que des louanges habiles eussent mis à couvert le professeur compromis ; mais Foscolo heurtait trop de préjugés, froissait trop d’amours-propres, pour ne pas susciter un grand nombre d’ennemis. Il provoquait à plaisir toutes les académies de la péninsule, il se mettait à des tous les pédans : la chaire d’éloquence de Pavie fut suspendue au bout de quelques leçons.

Les biographes de Foscolo font trop disparaître de sa vicies luttes et les rivalités mesquines, pour le montrer toujours en présence d’un grand adversaire, le gouvernement. On se ferait pourtant une fausse idée de l’auteur de Jacques Ortis, si l’on croyait qu’il fût toujours à