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régularité. Enfin le budget, si l’on en retranche les dépenses qui sont une affectation locale, ne pèse pas assurément du même poids, et représente tout au plus 35 ou 40 francs par tête. Mais à côté de ces avantages, il faut voir aussi les côtés faibles de notre situation.

À tort ou à raison, soit parce que les progrès du crédit public sont d’une date encore récente en France, soit parce que la concurrence des capitaux sur le marché est peu animée, nos emprunts se font généralement à des conditions moins favorables. L’Angleterre emprunterait, si l’on en juge par le taux des consolidés, à un taux voisin de 3 1/2 pour 100 ; le gouvernement français vient d’emprunter à un taux qui représente près de 5 pour 100[1], et avec une addition éventuelle au capital réalisé de 37 pour 100 sur le 3 et de 11 pour 100 sur le 4 1/2. Ce début ne ressemble pas mal aux erreurs, peut-être inévitables, de Pitt que M. Gladstone a signalées.

D’un autre côté, les dépenses ordinaires de l’état, au lieu de se renfermer, comme chez nos voisins, dans des limites inférieures ou égales à celles du revenu, continuent à excéder les recettes. Un accroissement de 110 millions dans le produit des impôts indirects, progrès inespéré et sans exemple qui est l’œuvre de deux années (1852 et 1853), n’a pas suffi pour rétablir l’équilibre. L’économie annuelle de 21 millions qui devait résulter de la conversion du 5 pour 100 en 4 1/2 se trouve annulée par l’extension qu’a prise la charge des dotations, portée au budget pour une somme de 37,383,114 francs. On a exagéré l’augmentation des traitemens attribués aux fonctionnaires au même degré que l’assemblée constituante en avait exagéré la réduction. Le luxe, pour emprunter une expression fort juste de M. de Chasseloup-Laubat, a sur ce point remplacé l’indigence. La passion de la fortune gagne les serviteurs de l’état. Si l’on n’y prend garde, l’argent passera bientôt avant l’honneur, et l’opinion publique, qui prononce, même quand on évite de la consulter, sera conduite à rechercher si la rétribution n’excède pas les services. Tel fonctionnaire, depuis la restauration de l’empire, reçoit, tant sur la liste civile que sur le budget, trois ou quatre traitemens dont le cumul représente environ 300,000 francs par année. À ce prix, un l’Hospital et un Turenne se seraient crus trop payés. De telles libéralités ne valent rien, ni dans l’intérêt de l’administration, ni au point de vue politique, et c’est le cas de rappeler que les dépenses de représentation prennent une importance qui tend à rejeter dans l’ombre les autres devoirs.

En somme, la progression des dépenses laisse encore une fois en arrière la progression des recettes. Les dépenses de 1854 avaient été évaluées à 1,516 millions ; celles de 1855, même après la révision du

  1. Plus exactement 4 74/100es pour le 3 et 5 1/100e pour le 4 ½.