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de Paris, pour première échéance, à quelque nouvel emprunt de 40 à 50 millions. N’oublions pas que son crédit est aujourd’hui chargé de 24 millions, empruntés au moyen des bons de la caisse de la boulangerie et qui constituent provisoirement une dette flottante.

Si l’on envisage par le côté politique cette accumulation d’entreprises, on ne peut se défendre de certaines appréhensions. Un premier résultat, qui n’est pas le plus grave à nos yeux, sera la perturbation des fortunes. À force de démolir coup sur coup, et en rasant plus de deux mille maisons, on a commencé par provoquer un renchérissement des loyers, factice assurément, temporaire si l’on veut, mais qui désole et met hors de leurs calculs toutes les familles placées dans les régions moyennes de la société. Plus tard, quand les constructions et les reconstructions, qui s’élèvent avec une grande rapidité, auront comblé les vides et créé trois ou quatre nouvelles villes dans Paris, les locataires ne se multiplieront pas aussi promptement pour les habiter, et le prix des loyers baissant peut-être de la même quantité qu’il avait haussé, les propriétaires et les spéculateurs qui auront construit à grands frais se trouveront à moitié ruinés. L’énorme capital que vont représenter les bâtimens et les terrains dans Paris sera frappé d’une dépréciation qui paraît inévitable.

Mais je redoute davantage, je l’avoue, l’agglomération extraordinaire d’ouvriers qu’entraînent des travaux exécutés sur une aussi grande échelle et pendant une suite d’années. Tous ces hommes que des salaires élevés attirent du fond des départemens, après avoir goûté pendant plusieurs années des habitudes parisiennes, se détachent de leur domicile d’origine, et finissent par grossir, même quand les travaux viennent à se ralentir, la population des faubourgs. Leurs mœurs se corrompent dans les cabarets, et leurs opinions dans les sociétés secrètes. Là on les forme aux agitations politiques, et ils deviennent la milice des révolutions. L’année d’ouvriers qui concourut à édifier les fortifications de Paris avait apporté à la population de la capitale des recrues qui contribuèrent avec un bien autre zèle à la révolution de 1848. Il n’est jamais bon, il n’est jamais sûr d’accumuler sur un seul point du pays des réunions d’hommes qui, après avoir fourni des moyens de travail, pourront, avec la même facilité, fournir des élémens de désordre.

En résumé, la situation des villes et des compagnies industrielles en France est la même que celle de l’état : des finances qui présentent de grandes ressources, mais qui se trouvent fortement engagées. On ne donne pas aux économies de la nation le temps de se former ; on les escompte. Ces épargnes du travail, ce trésor composé de parcelles, brillent d’une splendeur qui attire la convoitise ; tout le monde les couche en joue. Par l’impôt et par l’emprunt, l’état, les départemens,