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de son souverain. » Ajoutons que si les conquérans de l’Amérique, les Fernand Cortez, les Pizarre et même les gens de Christophe Colomb ont encouru le reproche de férocité en détruisant par millions les paisibles habitans des deux Amériques, leurs descendans, dans les guerres civiles de nos jours, ne se sont pas montrés moins sanguinaires et moins cruels. Il semble que la Providence, après l’extermination des races autres que la race conquérante, armait les Espagnols les uns contre les autres et les décimait sur le théâtre même des immenses exterminations dont s’étaient souillés leurs ancêtres. Mais, dira-t-on, le savant amiral doit-il s’occuper à moraliser les peuples ? À cela je répondrai hardiment : — Oui, l’humanité est encore cent fois au-dessus de la science.

Aujourd’hui même la cause de l’humanité triomphe sur les bords qui furent témoins du désastre de Charles-Quint. La France a fait justice des pirates barbaresques, et la navigation à vapeur a permis le retour comme l’arrivée sur les côtes de l’Afrique française.

Puisque nous parlons ici des ports de la Méditerranée, qui dans le premier comme dans le second bassin sont extrêmement peu nombreux, je dirai, d’après des autorités compétentes, que si à Carthage on fondait un Gibraltar anglo-français, non visité par la peste et servant de station, de port-franc entre les deux bassins de la Méditerranée, Carthage renaîtrait de ses ruines, et qu’avant la fin du siècle il y aurait là une ville européenne de 100,000 âmes, sans compter Tunis, qui en a déjà 150,000. Une de mes autorités, qui le croirait ? est celle du roi Charles X, transmise par son ancien ministre M. Lainé. Malheureusement cet homme d’état a emporté dans la tombe toutes ses idées et toutes ses connaissances politiques, qui eussent été si utiles à la France et à l’humanité. C’était, suivant l’expression de Quintilien, le vir bonus dicendi peritus, c’est-à-dire l’homme de bien doué d’éloquence ; mais sa modestie l’emportait encore sur sa capacité. Après Carthage et Malte, il n’y a plus guère dans le second bassin de la Méditerranée que le port de Milo et celui de Lesbos. Je ne sais lequel des deux les États-Unis d’Amérique voulaient acquérir à tout prix. Ils paraissent du reste y avoir renoncé.

Si le vent d’ouest et le vent du nord soufflaient alternativement sur la Méditerranée, la navigation à voile pourrait tirer parti de ces directions diverses ; mais il arrive presque toujours qu’ils soufflent en même temps, et qu’il en résulte un vent de nord-ouest. Sur plusieurs parties de la Méditerranée, notamment dans les provinces illyriennes, ce vent, connu sous le nom de bora, est un vent désastreux qui détruit la végétation, comme le fait le vent d’ouest sur les côtes occidentales de France. Les vents étésiens sont aussi un fléau sous le beau climat de Constantinople. La côte sud de la Crimée, qui