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indigo. En recueillant ce faisceau sur un écran, on y voit se peindre une magnifique image, illuminée des teintes les plus pures, qui passent de l’une à l’autre par des dégradations insensibles : cette image se nomme le spectre solaire.

L’expérience de Newton montre avec évidence que la lumière envoyée par le soleil est le mélange d’une infinité de rayons simples superposés, rouges ou jaunes, bleus ou violets; en passant dans le prisme, ils se dévient tous, mais inégalement; ils ont, pour parler le langage des physiciens, des réfrangibilités inégales : c’est pourquoi ils se séparent et s’étalent dans le spectre.

La question qui se posait pour Herschel était de rechercher les mêmes propriétés et d’arriver aux mêmes conséquences pour la chaleur. Ayant donc reçu sur le prisme un faisceau solaire et dirigé le spectre dans une chambre obscure, il introduisit dans l’image un thermomètre très sensible, le plaçant en premier lieu dans le violet, l’amenant ensuite dans le bleu, et le faisant marcher successivement dans toutes les couleurs jusqu’au rouge : partout le thermomètre s’élevait, partout il y avait de la chaleur. Toutefois, si l’œil nous avertit que les diverses couleurs étalées dans le spectre jouissent de propriétés spéciales, le thermomètre qu’on place dans ces couleurs ne nous apprend rien de pareil sur les chaleurs dont il nous révèle l’existence, et l’on serait tenté au premier abord de les croire identiques. Herschel ne tomba point dans cette erreur, car, dit-il, ces chaleurs diffèrent par une propriété physique très caractérisée, l’inégale réfrangibilité : la chaleur du rouge dévie moins que la chaleur du violet, et si elles étaient les mêmes, elles n’auraient pu quitter une route commune pour se séparer dans le prisme et s’étaler en des endroits différens du spectre[1].

Si les observations d’Herschel s’étaient terminées à ce point, on aurait pu exprimer entre la chaleur et la lumière une relation fort simple, on aurait pu dire : L’ensemble de tous les rayons lumineux qui se trouvent dans la nature se rapporte à sept types de couleurs principales, et il en est de même pour l’ensemble des rayons calorifiques; le soleil nous envoie sept types de chaleurs, rouge, jaune...; ces mots auraient désigné les espèces particulières de chaleurs qui accompagnent les lumières du même nom. Il n’en est point ainsi cependant; outre ces chaleurs, il en existe encore

  1. « The prism refracts radiant heat so as to separate which is less efficacious from which is more so. The whole quantity of radiant heat contained in a sun-beam, if this different refrangibility did not exist, must inevitably fall in a space equal to the area of the prism; and if radiant heat were not refrangible at all, it would fall upon an equal space where the shadow of the prism, when covered, may be seen. » Philosophical Transactions, année 1800, page 272.