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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1140

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attacher à ces mots d’autre sens que celui qui résulte de l’identité de direction.

En suivant ces idées, la tâche de l’expérimentateur eût été singulièrement simplifiée. On aurait pu prendre en particulier chacune des chaleurs simples, fournie par un prisme, et on aurait montré dans quelle proportion elle se propage ou s’éteint à travers une substance, et quand on aurait ainsi apprécié l’effet individuel de chacune d’elles, on aurait connu l’effet total exercé par la substance employée sur l’ensemble des rayons calorifiques. Au lieu de cette marche, qui part du simple pour arriver au composé, Melloni partit du cas complexe; il fit tomber sur une lame le flux tout entier des rayons de chaleur, c’est-à-dire l’ensemble de tous les rayons dont les uns sont rouges, violets et en général lumineux, et dont les autres sont obscurs; chacun d’eux éprouva une action spéciale, et du résultat général Melloni ne put que très péniblement déduire les actions individuelles éprouvées par chaque rayon.

Cette critique nous est aujourd’hui facile; elle serait bien injuste si elle signifiait un blâme, car si nous la pouvons faire, c’est grâce aux travaux de Melloni lui-même. Quand on commence des recherches sur les sujets que l’on connaît peu, la marche que l’on doit suivre ne se présente pas toujours la première. On est entraîné souvent en aveugle par l’enchaînement des découvertes qui se suivent. Et quand tous les faits ont été observés, que le moment de les coordonner arrive, alors seulement on s’aperçoit qu’au lieu de la route que l’on a si laborieusement parcourue, il existe un chemin plus droit que l’on se reproche de n’avoir point suivi. C’est ce qui arriva à Melloni, et plus d’une fois. Ce n’est qu’après avoir avancé beaucoup ses études qu’il revint à l’expérience d’Herschel. Il la refit, et en la perfectionnant grandement; mais, pour faire comprendre la valeur de ses perfectionnemens, nous devons faire connaître une de ses plus heureuses découvertes.

La nature ou les arts nous livrent une quantité considérable de substances absolument pénétrables aux rayons lumineux : nous les appelons transparentes; elles n’éteignent aucune des lumières, et leur interposition entre l’œil et les objets extérieurs n’en diminue aucunement l’éclat : tels sont le verre et l’eau. Jusqu’à Melloni, on n’avait rencontré aucun corps qui fût doué de la transparence calorifique, disons mieux, de la transcalescence; les plus purs à l’œil éteignent une très grande proportion des chaleurs solaires, comme Herschel, comme Melloni l’avaient démontré, si bien que ces deux ordres de phénomènes paraissaient entièrement indépendans. Heureusement Melloni parcourut avec une patience louable toutes les substances connues et rencontra le sel gemme, qui se laisse