acte diplomatique trouve-t-il le continent ? Quelle est sa portée, sa signification ? Quel est son caractère, non-seulement au point de vue des circonstances actuelles et du but déterminé qu’il se propose, mais encore au point vue de la situation générale de l’Europe ?
Que le traité du 2 décembre ait surpris ceux qui prétendaient retenir l’Autriche dans les liens d’une inerte temporisation ou d’une neutralité impossible, cela est fort simple. Il suffit cependant d’observer la politique de l’Autriche depuis un an pour voir que le traité actuel n’est que le couronnement de tout un système suivi avec une patience et une habileté singulière. Dès le moment où s’est élevée cette question par laquelle tsar semblait aller au-devant d’un conflit, l’Autriche a clairement avoué sa politique. Sans rompre avec la Russie, elle ne lui a point laissé ignorer qu’elle ne seconderait pas ses desseins, qu’elle y voyait au contraire un fait menaçant pour leurs relations. En même temps qu’elle refusait de se lier avec l’empereur Nicolas, elle acceptait la solidarité des actes et de toute la politique des puissances occidentales. Le jour où il a été avéré que la force allait seule trancher ce débat, l’Autriche, sans entrer encore directement en lutte, s’est alliée avec la Turquie pour lui garantir la possession des principautés du Danube occupées par les Russes, et d’un autre côté elle associait l’Allemagne a cette défense de l’intégrité de l’empire ottoman, en s’assurant à elle-même un secours et une garantie. Puis, comme il était dès lors évident que la guerre devait avoir son prix, elle n’hésitait plus à fixer dans les notes du 8 août, avec l’Angleterre et la France, des conditions nouvelles de paix conditions très différentes de celles qui réglaient jusque-là les relations de la Russie et de l’empire ottoman. Qu’on le remarque bien : l’Autriche avait à faire face à des difficultés diverses ; elle avait à mener de front sa situation particulière en Allemagne et sa situation vis-à-vis des puissances occidentales. Le jour où elle a eu vaincu tous les obstacles en Allemagne, où elle est sortie les mains libres d’une négociation dans laquelle s’étaient concentrés tous les efforts de partisans avoués ou clandestins de la Russie, en un mot le jour où a été signé l’article additionnel à la convention du 20 avril, par lequel la Prusse s’engage à la soutenir contre toute agression de l’armée russe, — ce jour-là l’Autriche a repris son œuvre collective avec l’Angleterre et la France, et elle a contracté avec elles l’alliance du 2 décembre. Le cabinet de Vienne n’a fait aujourd’hui que ce qu’il a toujours fait depuis l’origine de ce grand conflit : il a cherché à concilier son double rôle de puissance germanique et de puissance européenne. Il a attendu, si l’on nous passe ce terme, que l’Allemagne se fût remise à son pas avant de faire lui-même un pas décisif de plus avec l’Angleterre et la France.
Intimement rattaché au protocole du 9 avril et aux notes du 8 août dont il est le corollaire, le traité du 2 décembre est pour l’Autriche le préliminaire nécessaire, invincible d’une intervention plus nette et mieux définie. Quant au sens et aux dispositions principales de cet acte diplomatique, ils ressortent naturellement des circonstances. Ainsi il est évident que l’Autriche s’engage envers l’Angleterre et la France, comme elle s’est engagée déjà, envers la Turquie, à défendre les principautés contre la Russie, sans que sa présence sur le Danube puisse entraver les opérations des années alliées.