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Il sera sans doute à jamais impossible pour une localité quelconque de prédire pour un jour donné l’état de l’atmosphère, et, suivant l’expression vulgaire, de pronostiquer la pluie ou le beau temps. En effet, l’étendue de terrain qui reçoit la pluie est souvent tellement circonscrite, que ce qui serait annoncé pour Paris ne serait plus vrai pour Orléans, Rouen ou Amiens. Il faut donc, au nom de la logique, borner ses exigences, et ne demander à la science que des généralités sur les saisons, les vents dominans, la sécheresse ou l’humidité, le froid ou le chaud. La plupart de ceux qui remplissent les colonnes des almanachs ordinaires ne sont guère embarrassés pour les pronostics qu’il y mettent avec la plus grande assurance : ils évitent seulement d’indiquer des gelées pour le mois d’août et des chaleurs pour le mois de janvier; les temps variables sont affectés au printemps et à l’automne, et pourvu que l’almanach de l’année ne soit pas identique avec celui de l’année précédente, tout est bien. Quoique la science moderne ne reconnaisse pas l’influence de la lune, c’est toujours à la nouvelle et à la pleine lune, ainsi qu’au premier et au dernier quartier, que les indications de changement de temps sont annexées.

Voici du reste les conseils que je donnais à un faiseur d’almanachs relativement à ces indications véridiques qui, suivant l’expression anglaise, constituent un loyal almanach. Prenez toutes les indications de temps que l’on peut raisonnablement supposer pour la lunaison dont il s’agit. Ce seront, par exemple, pour une lunaison de printemps, les mots « variable, humide, sec, froid, chaud, beau fixe, inconstant, gelée, pluie, giboulées, gelée blanche, temps couvert, temps serein, vent, calme, etc.; » inscrivez chacune de ces indications sur un bulletin particulier; après avoir mélangé ces bulletins dans une urne, tirez-en un au hasard, et donnez-le comme type de la lunaison en question : alors vous aurez fait raisonnablement tout ce que comporte l’état de la science.

On voit d’ailleurs, par le grand nombre d’indications diverses qu’admet une lunaison quelconque, combien on a peu de chance de tomber juste sur la vérité dans cette sorte de divination. On cite à ce sujet l’anecdote suivante, arrivée à un de ces éditeurs de loyaux almanachs anglais qui se vendent par millions d’exemplaires. Il voyageait à cheval, et, s’étant arrêté d’assez bonne heure à une auberge, il voulut ensuite continuer sa route par un temps qui ne semblait nullement faire craindre la pluie : — Monsieur, lui dit l’hôte, je ne vous conseille pas de partir; vous ne serez pas à deux milles d’ici, que vous serez mouillé jusqu’aux os, et vous ne trouverez guère d’abri sur la route. Croyez-moi; j’ai un almanach qui ne me trompe jamais. — Comme on le pense bien, l’homme aux pronostics météorologiques, qui en connaissait au mieux la valeur, ne tint compte de ces paroles et se mit en route ; mais à moitié chemin de la localité qu’il voulait atteindre, il fut assailli d’une telle averse, entremêlée de vent et d’orage, que la