honneur à l’absolu et à la logique, de faire disparaître les contradictions apparentes que de longues traditions peuvent avoir accumulées dans son existence. Ces contradictions tiennent à la diversité même des élémens qui ont contribué à former la société anglaise, et qui ont été encore sa force au milieu des révolutions de notre siècle.
Dans la variété des peuples contemporains, il est certes plus d’une nuance morale et politique. Observez cette échelle de la civilisation humaine à ses degrés divers : elle s’étend de la puissante Angleterre à la Grèce actuelle, qui, sous le même nom de monarchie constitutionnelle, cache, à coup sûr, des choses bien différentes. Destinée singulière que celle de ce petit peuple, qui a été tour à tour l’objet de l’enthousiasme de l’Europe pour son passé et d’une sévérité universelle pour sa conduite récente ! L’enthousiasme était-il mérité ? La sévérité est-elle légitime ? La vérité est que la Grèce a été un peu gâtée par notre culte tout littéraire pour ses souvenirs, et elle s’est accoutumée à se considérer comme une sorte de petit centre du monde, comme la fin dernière de tous les événemens de l’Europe. Si l’Angleterre et la France lui fournissaient les premiers moyens de vivre en garantissant ses emprunts, elles devaient se trouver très heureuses évidemment d’être payées avec les souvenirs de Miltiade et de Thémistocle. Si l’empereur Nicolas voulait aller à Constantinople, c’était, sans aucun doute, dans le dessein secret de donner la cité du Bosphore au roi Othon. La Grèce était le pays par excellence. Dans la pensée de bien des Grecs, la Seine et la Tamise n’étaient que des affluens souterrains du Céphise et de l’ilissus ! Ainsi parle un écrivain nouveau, M. Edmond About, dans un livre spirituel et triste sur la Grèce contemporaine. Le livre de M. About est une sorte de voyage un peu humoristique à travers les campagnes helléniques, à travers la cour et la ville, les mœurs politiques et les mœurs sociales, les hommes et les choses, les vices, les ridicules, les ruines et les espérances de la Grèce moderne. L’humour est dans les détails, les traits sont vivement accusés ; c’est en tout une peinture où la couleur satirique est prodiguée. Par malheur le fond du tableau reste peut-être vrai en beaucoup de points, et les amusantes esquisses de M. About sont parfois des chapitres d’histoire.
Depuis vingt-cinq ans que la Grèce est indépendante, où donc est-elle arrivée ? — Des mœurs politiques vénales et violentes souvent, des campagnes incultes, une population stagnante, une agriculture subitement paralysée après quelques années de progrès, des finances fantastiques qui ne peuvent suffire ni à la dette ni au budget ordinaire, des habitudes invétérées de fraude à l’égard de l’état, un gouvernement presque toujours impuissant : — tel est le tableau que trace M. About. La Grèce s’est donné, il est vrai, il y a quelques années, un régime constitutionnel ; mais quelle est la réalité de ce régime ? Il y a, à ce qu’il semble, plusieurs natures d’élection, et les faits ne justifient que trop ce que dit M. About à ce sujet : il y a les élections qui s’achètent et les élections qui s’enlèvent. Quant aux premières, qui sont les plus nombreuses, il s’agit uniquement d’y mettre le prix, et ceci est l’affaire du gouvernement. Si l’élection est difficile, alors la force intervient, et l’élu peut dire souvent ce mot que rapporte l’auteur de la Grèce contemporaine : « Mon élection nous a coûté quatorze hommes. » On devine ce que