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lui adressa une injure obscène. S’étant procuré une lumière, Mme T… trouva la misérable créature couchée sur les escaliers, ivre morte, un verre d’une main et une bouteille de l’autre. » Maintenant laissons l’antichambre et entrons. Voici en quelques lignes la peinture d’une de ces familles. L’esquisse est concise, nette, et ne laisse rien à désirer : « J. D. est un voleur. Son père vit illégitimement avec sa mère et avec une des filles qu’il a eues d’une autre femme. Ils habitaient tous pêle-mêle dans une petite chambre depuis longtemps. La plus jeune des deux femmes, lors de ma dernière visite, tenait dans ses bras deux jumeaux âgés de huit jours, qui étaient les enfans de cet homme. » Encore un croquis, mais en s’en tenant là par respect pour le lecteur : « Les deux C… ont été longtemps voleurs. L’aîné, je suis heureux de le dire, a abandonné cette criminelle profession. La mère était une ivrognesse, et le père un homme de mœurs débauchées. La mère mourut soudainement du choléra en 1849 ; le père était alors âgé d’environ soixante ans. Une nièce, jeune fille de dix-neuf ans, vint pour soigner Mme C… dans sa maladie, et dès le lendemain de sa mort s’annonça comme la nouvelle Mme C… Les deux fils, quoique voleurs de profession et par conséquent hommes de mauvaises mœurs, protestèrent cependant contre cette insulte faite à la mémoire de leur mère, et furent immédiatement mis à la porte. Le père s’en alla dans le quartier de Whitechapel avec sa maîtresse. Quelque temps après, celle-ci enleva tout ce que contenait l’appartement, et s’enfuit avec un autre homme. Le misérable vieillard, en revenant de son travail et en trouvant sa chambre dépouillée, sentit « que la voie des pécheurs est rude à parcourir. » Il revint un matin à son ancienne maison, située dans mon district et où sa femme était morte, dit quelques mots au logeur et alla dans la cour. Là on le trouva pendu à un crochet fiché dans le hangar, qui était si bas, que pour accomplir son dessein, le malheureux fut obligé de replier ses jambes en arrière. Lorsqu’on le découvrit, il était à peu près mort. »

Les repaires de la prostitution infime sont plusieurs fois décrits par M. Vanderkiste ; mais, quelque chaste et décente que soit sa plume, ces scènes présentent un aspect trop repoussant et roulent sur des sujets trop attristans pour s’y arrêter davantage : nous les laissons aux amateurs de pittoresque à tout prix ; ils iront les y chercher, si bon leur semble. Il vaut mieux couronner ce hideux tableau par deux faits statistiques capables d’exciter la pitié et de remuer la haine pour le mal jusqu’au fond des plus froides entrailles. Dans cette population de mendians et de voleurs, il ne faut pas oublier qu’une grande partie se compose d’enfans et de femmes. Quel est leur sort aux uns et aux autres ? Les plus grands criminels de ces