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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1854.

Au moment où la guerre s’engage de plus en plus, sans qu’on puisse désormais pressentir comment elle se dénouera ; lorsque, selon toutes les probabilités qui résultent des faits diplomatiques aussi bien que des faits militaires, cette lutte est destinée à s’étendre et à s’aggraver, il faut bien en accepter toutes les conditions, et s’attendre à ne point voir toujours la rapidité des événemens répondre à l’impatience de l’opinion publique. Il faut se préparer à toutes ces lenteurs nécessaires de difficiles opérations, pour lesquelles le temps est un indispensable complice, même quand elles sont le plus favorisées. On a supprimé le temps l’autre jour, lors de cette prise subite de Sébastopol qui couronnait si bien la bataille d’Alma : le temps a repris ses droits ; il a fallu en revenir à la stratégie, aux travaux de siège, à un investissement régulier, pour arriver à un bombardement et à un assaut. C’est ce qu’ont fait nos armées depuis la première rencontre qui a signalé leur entrée en Crimée, et ces opérations nouvelles n’ont point été sans gloire et sans résultat. Qu’on lise les rapports de lord Raglan, et on verra que tout n’a point été facile dans ce mouvement par lequel la ligne russe a été tournée et les armées alliées ont été portées sur Balaclava. Après avoir franchi la Katcha et le Belbeck sans obstacles, l’armée anglaise a eu à se frayer un chemin à la boussole à travers des bois épais, et elle a manqué d’eau toute la journée. Au sortir de ces bois, elle s’est trouvée sur les flancs d’une division russe qu’elle a attaquée aussitôt, et dont elle abandonnait la poursuite après quelques milles. La nuit, elle allait camper dans la vallée de la Tchernaïa, et le lendemain elle se présentait devant Balaclava, où elle entrait. La marche de nos soldats n’a point été moins difficile.

Ainsi, tandis que les principaux préparatifs de défense des généraux russes étaient au nord de Sébastopol, les armées alliées gagnaient le sud et s’emparaient de Balaclava, où elles trouvaient une position puissante à portée du