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théâtre d’expériences. Les questions relatives à la domesticité des animaux commencent, et avec raison, à préoccuper les naturalistes. Tous conviennent que l’amélioration des races conquises dans nos climats, l’acquisition de celles qui restent à conquérir, seraient un des plus grands bienfaits que l’on pût répandre sur un pays. Cela rendrait, disent-ils, les travaux moins pénibles et les moyens de subsistance plus assurés. L’œuvre de l’acclimatation des animaux étrangers demande à être éclairée par l’histoire de la naturalisation des anciennes espèces domestiques. Ici encore les faits abondent. La plupart des espèces domestiques dont l’Européen tire sa richesse n’appartiennent point à l’Europe. Quand la race de Japhet, audax Japeti genus, s’avança dans la partie du monde que nous habitons, et où se déploient maintenant toutes les merveilles de l’industrie, toutes les conquêtes de l’agriculture, que trouva-t-elle ? En fait d’arbres, le chêne ; en fait d’animaux, le sanglier. Toutes ces belles espèces domestiques auxquelles les civilisations européennes doivent leur bien- être, leur supériorité, leur magnificence, l’Europe les a empruntées aux autres parties de la terre. Tout ce que la nature avait refusé à nos climats, l’industrie humaine se l’est donné. Originairement, cette mère nature, rerum alma parens, avait peu favorisé le nord du globe ; l’homme destiné à vivre dans nos contrées pauvres avait été doué seulement d’un cerveau plus riche que celui des autres races, et c’est à l’aide de ce cerveau privilégié qu’exerçant sur le monde une sorte de magistrature économique, l’Européen a augmenté ses forces de toutes les forces cosmopolites du règne animal. À l’Asie centrale il a demandé le cheval, à l’Inde et à l’Égypte le bœuf, à la Perse la chèvre, à l’Indostan la poule, à la Colchide le faisan, à l’Afrique la pintade, au Nouveau-Monde le dindon. Ainsi le règne animal qui existe en Europe est notre conquête.

Cette conquête pacifique est-elle terminée ? L’œuvre de la domestication des animaux est-elle accomplie ? La science nous répond que non. L’histoire nous indique un très grand nombre d’animaux exotiques sur lesquels l’homme pourrait certainement étendre sa main. La plupart de ces animaux figurent dans les ménageries et dans les jardins zoologiques, mais ils y figurent comme simples objets de curiosité. Il faut d’ailleurs bien distinguer entre la possession accidentelle de quelques individus et la possession de la race. Certains animaux peuvent être asservis, apprivoisés même, sans être domestiques. La domesticité est un fait qui repose sur une loi, et cette loi, c’est l’hérédité des modifications acquises. L’animal issu d’un père et d’une mère sauvages naît sauvage ; l’animal issu d’un père et d’une mère apprivoisés naît apprivoisé ; l’animal issu d’un père et d’une mère domestiques naît apte à la domesticité. Les inclinations, les caractères,