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que l’impétuosité, le courage, l’ardeur. Il est un autre animal moins farouche et doué d’une grande vitesse : — c’est l’élan, connu aux États-Unis sous le nom de wapiti. Ce noble animal, l’orgueil des forêts américaines, fut introduit à Baltimore par un naturaliste allemand. Les Indiens l’apprivoisèrent, et il leur rendit bien vite tous les services d’un animal domestique : l’élan porte les fardeaux, tire les traîneaux sur la glace pendant l’hiver avec une rapidité extrême, et nourrit l’homme de sa chair, qui a de la finesse. Quatre élans américains furent amenés en Angleterre dans l’année 1817 et achetés fort cher par lord James Murray, qui obtint de ces animaux trois générations superbes. Il y a quelques années, un élan fut vu à Londres, harnaché comme un cheval et emportant un tilbury avec une admirable vigueur. Cet animal paraît être de la race des élans antédiluviens dont les énormes débris fossiles se retrouvent pêle-mêle avec les ruines des forêts dans lesquelles il cachait son inoffensive majesté. L’élan doit être désigné au zèle des naturalistes qui s’occupent d’acclimatation.

De tous les animaux néanmoins que dans nos climats tempérés l’industrie pourrait adjoindre aux auxiliaires actuels du travail humain, celui qui mérite le plus d’intérêt, c’est le renne. Cet animal constitue presque toute la richesse des peuples du Nord ; il leur tient lieu à la fois de la vache, du mouton et du cheval, car il les nourrit de son lait, les réchauffe de sa laine et transporte leurs fardeaux ; sa chair est excellente. On comprend tout de suite de quel prix serait pour nos campagnes l’accession d’un animal utile à tant de points de vue. Une telle conquête a déjà tenté l’ardeur des Anglais ; des essais ont été entrepris dans ces dernières années pour introduire le renne, sur une certaine échelle, dans les contrées froides de la Grande-Bretagne. Ces essais, nous sommes forcé de le dire, n’ont point été heureux. On ne peut accuser de cet insuccès le changement de régime diététique, car la mousse, qui forme la principale nourriture de cet animal, abonde en Écosse. Reste donc la difficulté d’acclimatation. Le renne, comme en général tous les animaux du Nord, adhère, on ne saurait le nier, avec une ténacité extrême aux conditions géographiques dans lesquelles l’a placé la nature. Toute la question est de savoir si cette ténacité est invincible. On ne saurait en vérité rien conclure des essais qui ont été tentés jusqu’ici. L’art de l’acclimatation consiste avant tout à ménager les nuances du changement. Tout être organisé est susceptible de céder à l’action des modifications combinées, mais c’est à la condition expresse que cette action sera lente, graduée, insensible. Un animal arraché violemment à sa situation originaire prend difficilement racine dans la patrie artificielle qu’on lui destine. Pour bien faire, il faut que