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des communes et de son redoutable talent de discussion, il avait dans le pouvoir compté pour rien l’inimitié du roi, la défiance de la chambre haute, les clameurs de la Cité, la froideur du public. Il conserva la même sécurité dans l’opposition, et regarda sa défaite comme un accident passager. Le roi était visiblement en dehors de ses devoirs constitutionnels. «Sa conduite, écrit Fitzpatrick à son frère, lord Ossory, est généralement comparée à celle de Charles Ier en 1641. » ) La chambre des communes avait été dédaignée; elle devait partager, épouser toutes les indignations des ministres, qu’on avait traités comme elle. Fox s’adressa sans ménagement à tous les sentimens qu’elle devait éprouver, et qu’elle éprouvait en effet, quoiqu’un peu moins vivement qu’il ne pensait. Il exigea d’elle, avec plus de passion que de prudence, et il obtint, non sans effort, des votes de censure et de résistance, des protestations menaçantes qui dépassaient la mesure constitutionnelle et surtout la vivacité de l’opinion générale. Il fit par là un meilleur jeu à Pitt dans son entreprise hasardeuse d’établir un cabinet contre la chambre des communes. On a souvent cité la campagne parlementaire de Pitt dans l’hiver de 1784. Sans aucun doute, son attitude eut de la grandeur. A quelque prix qu’il eût gagné son pouvoir, il en racheta la triste origine par la manière dont il le soutint, et réussit à le faire enfin sanctionner par l’opinion publique. Cependant il avait moins de fermeté d’âme que d’autorité dans le caractère. Il jouait admirablement le rôle du gouvernement, mais il craignait au fond les situations et les résolutions extrêmes. Il tenait beaucoup à sa réputation et même à sa popularité. Des mémoires très dignes de foi nous ont révélé combien d’hésitations et d’anxiétés l’ont agité dans les momens de sa vie où il semblait le plus résolument engagé dans une politique tranchée. Quand on le croyait en avant de tous, il songeait à revenir sur ses pas. En 1784, c’était risquer beaucoup pour le fils de Chatham, pour un ministre whig et réformiste, que de fonder même temporairement son pouvoir sur une vengeance de la prérogative royale, que de devenir le chef et le représentant du parti décrié des amis du roi, que de paraître une sorte de Strafford d’un second Charles Ier aussi capable que Stuart de s’avancer par mauvaise humeur et de reculer par embarras, parfaitement propre en un mot à compromettre et à déserter ses serviteurs. Pendant que Pitt opposait un calme assez fier aux orages de la tribune, il avait peine à triompher de son agitation intérieure. Lord Temple n’avait pu résister, même dans la chambre des lords, à l’embarras de sa situation, et il était sorti du ministère après l’avoir créé. On dit que Pitt aurait imité cet exemple, si la fermeté du duc de Richmond ne l’avait retenu. Il songea du moins à traiter avec ses adversaires, et