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Chez les mammifères, le cœur, bientôt accompagné d’artères et de veines, apparaît de très bonne heure, et peu de temps après le système nerveux. Le tube digestif ne se montre que plus tard. Cet ordre de succession semble ici commandé par la manière dont se nourrit l’embryon, qui prend tout au dehors et se nourrit par l’intermédiaire de vaisseaux. Lorsque cette condition n’existe pas, l’ordre des phénomènes peut être interverti, et c’est en effet ce qui se passe chez la plupart des invertébrés dont on connaît l’embryogénie. L’appareil digestif se forme avant les organes circulatoires. Parfois même ces derniers manquent totalement longtemps encore après que le jeune animal a quitté son œuf et mène une vie indépendante. Peut-être serait-on tenté de rattacher ce fait au peu de développement que présente, même chez les adultes, l’appareil vasculaire de certains invertébrés; mais on l’a constaté jusque dans des groupes en possession d’un système circulatoire parfaitement clos et complet. Il faut donc, dans le développement tardif de ce système, voir un phénomène d’un autre ordre, et qui paraîtra tout naturel à quiconque sait apprécier à leur valeur l’importance de la cavité générale du corps et le rôle du liquide qui remplit cette cavité[1]. Pour les animaux qui ont cette cavité libre, et dont par conséquent les organes sont constamment plongés dans un bain nourricier, un cœur, des artères, des veines, c’est-à-dire des organes d’irrigation nutritive, ne sont nullement nécessaires. Leur existence n’est plus qu’une question de perfectionnement. Aussi les jeunes et parfois les adultes en sont-ils entièrement dépourvus.

Tous les systèmes organiques dont nous venons de signaler les aparitions successives sont uniquement en rapport avec la conservation de l’individu. Ceux qui assurent la propagation, et par suite la conservation de l’espèce, se montrent toujours les derniers. Ce fait, général pour les animaux à transformations, mérite d’être signalé, car nous verrons des phénomènes analogues se montrer dans les espèces à métamorphoses et à géagénèse, en acquérant une signification de plus en plus élevée.

Les appareils que nous venons de nommer sont tous plus ou moins complexes et formés par la réunion d’organes souvent fort nombreux, composés eux-mêmes de divers tissus. On est vite conduit à se demander comment les trois lames de l’aire germinative suffisent à engendrer ces systèmes compliqués, et surtout sous quelle forme se montre d’abord la matière que le tourbillon vital amène sur ce champ de création. Ici, nous avons à signaler quelques faits d’une importance

  1. Voir sur la cavité générale des corps des invertébrés l’article sur La Rochelle dans la livraison du 15 avril 1853.