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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1198

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séance au parlement ni le flot des gentilshommes qui se pressaient derrière eux. Ce que voulaient les généraux de l’année parlementaire, c’était prolonger la lutte, afin d’être en mesure de faire leurs conditions meilleures avec la cour en se montrant plus à craindre ; ce qu’ils demandaient en attendant, c’était de conserver sans contrôle la manutention des deniers publics, dont les ducs d’Elbeuf et de Bouillon usaient avec une liberté qui commençait à dégriser les plus furieux frondeurs. Ces princes aspiraient à se débarrasser le plus vite possible des exigences des magistrats, pour traiter sans entrave avec l’Espagne, qui avait envoyé déjà des plénipotentiaires près de l’insurrection parisienne. Appeler en France l’archiduc gouverneur général des Pays-Bas, faire appuyer ses mouvemens par l’armée de M. de Turenne, dont on venait de négocier la défection, et, au moyen de la remise de quelques places de guerre, se faire comprendre personnellement pour des avantages considérables dans le traité à intervenir entre la France et l’Espagne, tel fut le programme de cette politique, naïvement confessée dans tous les mémoires du temps, et dont les nobles auteurs ne songeaient point à se défendre comme d’une inspiration criminelle. Dans les salles de l’Hôtel-de-Ville, où retentissaient jour et nuit le son des violons et le bruit des armes, ni les nobles dames qui fascinaient les bons échevins par la douceur étudiée de leur sourire, ni les nombreux gentilshommes parés de leurs couleurs et prêts à mourir pour elles, ne s’inquiétaient des actes de la chambre de Saint-Louis ; ils songeaient plutôt à faire mettre leurs ennemis à Vincennes qu’à fermer les prisons d’état, et les négociations ouvertes avec l’archiduc et le comte de Fuensaldagne les préoccupaient beaucoup plus que les articles débattus dans l’argot du palais entre le premier président et le chancelier. Aussi les généraux menacèrent-ils de rompre à main armée, en ameutant la populace, les conférences qui amenèrent la première paix de Paris. Le parlement dut donc ouvrir, pour les apaiser, une négociation nouvelle, et réclamer de la cour la satisfaction de toutes les prétentions personnelles, dont il fut donné note écrite, laquelle, en omettant les demandes innombrables d’argent, dépensions et de grades introduites par les subalternes, se résumait ainsi dans ses exigences principales : « M. le prince de Conti demande l’entrée au conseil et une place forte dans son gouvernement de Champagne ; M. le duc de Bouillon demande pour lui la restitution de Sedan, pour M. de Turenne le gouvernement d’Alsace et celui de Philisbourg, pour M. de La Trémoille le comté de Roussillon et la principauté de Montbéliard ; M. le duc d’Elbeuf demande pour lui le gouvernement de Picardie, pour son fils le gouvernement de Montreuil ; M. le duc de Longueville demande le gouvernement de Pont-de-l’Arche ; M. le maréchal de La