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SCULPTEURS MODERNES




BENOIT FOGELBERG.





Benoît Fogelberg, dont la Suède déplore la perte récente, était né dans la petite ville de Gothenbourg ; son père était fondeur en cuivre, et possédait un talent particulier pour ciseler des ornemens sur les cloches. Dès sa plus tendre enfance, Benoît manifesta un goût très prononcé pour les arts du dessin, et surtout pour la sculpture. Tout ce qu’il trouvait sous sa main lui servait à contenter sa passion. N’ayant pas de terre à modeler, il épiait l’heure où sa mère revenait du marché, et, dès qu’elle avait tourné le dos, il s’emparait des navets qu’elle avait rapportés pour les tailler avec son couteau et les transformer en figures, au grand scandale de la ménagère. Le père, plus indulgent et plus éclairé, comprit de bonne heure sa vocation, et fit tout ce qui dépendait de lui pour la seconder. À quatorze ans, Benoît Fogelberg quittait les bancs de l’école, où il avait puisé les premiers élémens d’une éducation générale, et entrait à l’académie des beaux-arts de Stockholm. À cette époque, c’est-à-dire en 1801, car Benoît était né en 1787, la Suède était encore dominée par le déplorable goût du règne de Louis XV. Pour les professeurs de Stockholm, cet art bâtard et mesquin était l’art suprême ; ils ne voyaient rien au-delà, rien en-deçà ; en d’autres termes, ils avaient complètement perdu la notion de la vraie beauté, ou peut-être ne l’avaient-ils jamais entrevue. Le jeune Benoît, doué d’une sagacité singulière, s’aperçut bien vite que ses maîtres faisaient fausse route, et malgré