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nettement ce qu’il avait entrevu, mais une fois engagé dans la route que lui indiquaient son instinct et le savoir de son maître, il n’a pas bronché, il n’a pas dévié un seul instant. Les désirs confus qui l’agitaient à l’âge de quatorze ans sont devenus plus tard une volonté persévérante, une volonté inflexible : toutes ses œuvres sont là pour attester le caractère inébranlable de sa résolution. Aussi je ne crains pas de recommander la vie de Fogelberg comme un des enseignemens les plus féconds qui puissent être offerts à la jeunesse. La sagacité de son esprit, sa volonté tenace et inébranlable doivent être proposées comme un exemple et un encouragement. Né sous un ciel ingrat, n’ayant pas sous ses yeux le type vivant de la beauté, il a souhaité ardemment, il a presque deviné ce qui lui manquait pour réaliser son idéal, et une fois en possession de la vérité, il n’a rien négligé pour conformer sa vie à sa pensée. Les deux sources d’enseignement choisies par Fogelberg, sources vives et abondantes où il puisait à toute heure, la tradition et la nature, résument l’art tout entier dans son passé, dans son avenir. La tradition sans la nature mène à la routine, à la monotonie ; la nature sans la tradition, quel que soit le talent de l’imitateur, n’enfantera jamais que des œuvres prosaïques : c’est ce que Fogelberg avait compris à merveille, et tous ses travaux ne sont qu’une démonstration vivante de cette vérité.

Les professeurs de Stockholm étaient loin de partager son avis, puisqu’ils tenaient pour le goût Louis XV ; aussi je n’ai pas de peine à croire qu’en sollicitant du gouvernement suédois une pension qui permit à leur élève indocile d’aller étudier hors de son pays, ils cédèrent plutôt au désir de se débarrasser d’un railleur incommode qu’à l’espérance de développer son talent. Que leur intervention fût d’abord égoïste ou généreuse, peu nous importe. Elle réussit pleinement, et Benoît Fogelberg partit pour l’Allemagne en 1818 ; il avait alors trente et un ans. Ainsi sa lutte avec ses professeurs n’avait pas duré moins de dix-sept ans, et pendant ce long espace de temps ses idées ne s’étaient pas troublées, sa volonté n’avait pas fléchi. Rare exemple de persévérance ! à trente et un ans, il gardait encore toute l’énergie de sa première conviction. Après une lut le de dix-sept ans, il voulait encore ce qu’il avait voulu au début ; il quittait la Suède plein d’ardeur et d’espérance.

Fogelberg ne fit pas un long séjour en Allemagne : sans doute il n’y trouvait pas ce qu’il souhaitait si ardemment et depuis si longtemps, un enseignement fondé sur l’intelligence et l’interprétation de l’art antique. Avant de franchir les Alpes, avant de pénétrer dans cette chère Italie, terme suprême de tous ses rêves, il voulut voir la France, et se rendit à Paris. Il espérait y rencontrer quelque maître habile, sincèrement épris de l’antiquité, qui, par ses entretiens et