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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1288

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C’est bien là le héros qui faisait du canon sa plus chère musique, pour qui le danger avait un attrait puissant, qui aimait la guerre pour la guerre, et qui pensait à vaincre plutôt qu’à recueillir le fruit de la victoire. Je ne voudrais pas pousser trop loin l’analyse intellectuelle et morale de cet ouvrage ; cependant je ne crois pas n’écarter de la vérité en affirmant que Fogelberg, dans la conception de son Charles XII, s’est montré aussi profond penseur qu’habile statuaire. Sans doute il a voulu plaire aux yeux, le choix des lignes le prouve assez clairement, mais il a voulu surtout nous révéler le caractère du héros, et pour arriver à l’expression du caractère il a puisé aux sources les plus sûres. Il ne s’est pas contenté des renseignemens que la gravure pouvait lui fournir, il s’est adressé à l’histoire. Ses investigations ont été dignement récompensées : son Charles XII est une œuvre originale qui s’accorde parfaitement avec le témoignage des contemporains ; c’est une statue vraiment historique dans le sens le plus élevé du mot.

Dans les dernières années de sa vie, Fogelberg était revenu aux études chéries de sa jeunesse, au culte de la beauté pure. Fortifié par les épreuves qu’il avait traversées, instruit par l’application de son savoir à la mythologie scandinave et à l’histoire de son pays, il reprenait avec une ardeur toute juvénile la voie qu’il n’aurait jamais voulu abandonner, en dehors de laquelle il avait cependant obtenu d’éclatantes victoires. Deux modèles, trouvés dans son atelier du Corso, nous montrent combien son talent s’était agrandi à son insu pendant l’accomplissement des œuvres qu’il avait entreprises, sinon à regret, du moins avec hésitation, avec timidité. Je veux parler des deux groupes de l’Amour et Psyché. Dans cette fable poétique, Fogelberg a choisi deux momens très différens, — le Premier baiser de l’Amour et Psyché amoureuse. La première de ces compositions se recommande par une ingénuité délicieuse ; il y a dans le regard et dans la bouche de Psyché un trouble et un étonnement qui ravissent tous les spectateurs. La jeune fille n’est pas encore fière de sa beauté, fière de la puissance que sa beauté lui donne. En recevant le premier baiser de l’amour, elle frissonne plutôt d’inquiétude que de joie. Je ne crains pas d’être démenti en affirmant que ce groupe est une des plus charmantes créations de la statuaire moderne. Finesse d’expression, élégance virginale dans toutes les parties du corps, Fogelberg n’a rien oublié pour réaliser l’idéal rêvé par les poètes de la Grèce. Dans le groupe de Psyché amoureuse, il ne s’est montré ni moins savant ni moins habile. Psyché fait à son amant un collier de ses bras. Tout son corps exprime la volupté, mais cette volupté n’a rien de lascif. Psyché telle que l’a conçue, telle que l’a rendue Fogelberg,