nature sans y apporter en surplus le prix d’un effort intelligent. Sa mission est de féconder le sol et non de le dévaster, d’embellir graduellement cette terre où il est de passage, de manière à ce qu’après l’avoir reçue inculte et dépeuplée, il en fasse le siège de cultures perfectionnées et le grenier de nombreuses populations. Telle est la destination évidente de l’homme, marquée dans l’ordre de la Providence et victorieusement confirmée par le spectacle de l’univers. L’homme, abstraitement parlant et envisagé dans l’ensemble, apporte donc ici-bas une richesse et constitue lui-même une richesse ; il produit plus qu’il ne consomme, et laisse après lui un héritage qui n’est point à dédaigner, — sa part de concours dans l’amélioration et la civilisation du globe.
Cette vérité, au-dessus de toute atteinte, suffirait pour réduire au néant les plus ingénieux raisonnemens de ceux qui voient dans l’homme une cause de ruine, et dans l’accroissement de la population une source de misères. Aussi n’envisagent-ils pas la question de si haut ni d’une manière aussi rigoureuse ; ils la réduisent à de plus étroites proportions. Pour eux, c’est une appréciation de limite, un accident de temps et d’espace. Absolument, l’homme peut être une richesse, disent-ils ; relativement, et dans certains cas, il devient une ruine : ruine pour l’être qui naît, ruine pour le sol qui le voit naître ; il prélève sur le contingent commun une part plus grande que celle qu’il y fournit, et reste affamé en affamant les autres. Tels sont les termes auxquels se réduit l’objection, débarrassée du cortège de chiffres que lui créent l’habitude et la précaution. Eh bien ! même dans ces termes, il n’y a là rien qui soutienne l’examen. Et d’abord, puisqu’il s’agit d’une limite, où est cette limite ? On peut mettre tous les disciples plus ou moins déguisés de Malthus au défi de la fixer. Qu’ils essaient, qu’ils nous disent, non par des à-peu-près, ni par des subterfuges, à quel signe on reconnaît l’excès de population, c’est-à-dire là où la naissance d’un homme est un bien pour un pays, là où elle est un mal. Toute liberté leur est laissée ; ils peuvent prendre les termes de leur démonstration dans l’étendue du territoire, dans les forces de la production, dans la comparaison des besoins et des ressources, où ils voudront enfin, pourvu qu’ils apportent une loi vraiment sérieuse, vraiment scientifique, sur laquelle l’esprit puisse se reposer, et non ces hypothèses, ces déclamations cent fois reproduites, et qui ne gagnent à se reproduire ni en clarté, ni en autorité.
Est-ce une affaire d’espace, de densité plus ou moins grande de population ? Qu’ils fixent donc un chiffre ! ils ne le pourraient ni ne l’oseraient. L’espace n’est pas un terme absolu, la population non plus. Telle contrée est plus fertile, telle race plus intelligente. Ici un