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partie des hommes qui ont si héroïquement repoussé l’attaque d’Inkerman venaient de faire leur nuit dans la tranchée. La force nécessaire pour garder les tranchées devrait ne pas être moindre des trois quarts de la force de la garnison, et si cette proportion n’est point gardée, les opérations et les travaux de siège seront continuellement exposés à être renversés ou détruits par les sorties. De fréquentes sorties d’une place assiégée sont fortement condamnées, surtout dans les premiers temps de l’attaque, alors que les travaux sont encore éloignés, parce que, quand même elles réussiraient, la perte d’un seul homme dans une place entièrement investie est plus sérieuse pour les assiégés que ne le serait celle de six ou sept pour les assiégeans ; mais quand la garnison est forte, quand l’armée assiégeante est inférieure (ce qui est le cas de Sébastopol, qui n’est pas investi), la maxime est retournée, et la perte d’un seul homme est beaucoup plus sérieuse pour les assiégeans… Dans ces circonstances, les Russes ont eu raison de faire de fréquentes sorties, et de recourir à des opérations de défense offensive qu’ils n’auraient pas pu risquer, si la place avait été investie. Dans ces attaques, si vaillamment repoussées qu’elles aient été, l’armée alliée a subi de bien plus grandes pertes que dans la poursuite du siège… Rien ne pouvait justifier l’attaque de Sébastopol à une période si avancée de la saison que la certitude de l’enlever par un coup de main… L’auteur de cet écrit n’a point cru à la nouvelle de la prise, et savait qu’elle ne pouvait être vraie… Les hauteurs du sud pourront être couronnées par nos batteries, mais les positions que l’on voudrait établir par la pente qui descend vers la ville, les docks et l’arsenal, seraient tellement exposées au feu du grand ouvrage octogone et des batteries qui ont dû être placées de l’autre côté, que l’occupation de la place est entièrement impossible avant qu’on n’ait d’abord fait taire les forts du nord ; pour cela, il faut un autre siège, et voilà la conséquence de la faute qu’on a commise en attaquant la place du mauvais côté. Stratégiquement parlant, le siège de Sébastopol a été mal commencé ; la place n’est pas investie ; ses communications avec la campagne, avec l’armée qui la tient, et avec ses bases, sont libres ; les secours et les renforts peuvent à la fois et entrer et sortir ; la force défensive dans la place est en communication directe avec la force offensive au dehors. Les assiégés ne peuvent pas savoir à quel nombre ils ont affaire… Une place comme celle-là n’a pas à capituler, et ne capitulera pas, attaquée comme elle l’est, quand même l’attaque réussirait. La garnison ne peut pas être prise, car, après avoir fait une résistance désespérée, elle peut se retirer sur les hauteurs du nord, ou bien elle peut évacuer simplement la place, et aller joindre l’armée en campagne après avoir rendu la ville inhabitable et détruit toutes les provisions de guerre qu’elle contenait… »


Le général Howard Douglas conclut en disant qu’il faudra recommencer la campagne sur un nouveau plan, et retourner à l’Alma ; nous citons encore ce dernier passage :


« L’erreur capitale, dit-il, ayant été d’envahir la Crimée avec des forces trop peu considérables, et d’assiéger une place aussi fortifiée sans l’avoir d’abord investie, il faudra envoyer assez de troupes pour réparer cette erreur ; mais il ne faudrait pas envoyer du côté du sud plus de monde qu’il