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l’extrémité de l’abdomen une espèce de sabre à deux lames, qui n’est autre chose qu’une tarière destinée à creuser la terre pour enfouir les œufs et les mettre à l’abri. Pour être extérieurement un insecte complet, il ne lui manque en réalité que plus de taille et des ailes. Or à chaque mue elle grandit, et les organes du vol se montrent bientôt sous forme de moignons informes. A ce moment commence l’état de nymphe. Sans rien changer au genre de vie de la larve, celle-ci continue à se développer, et, à la suite d’une dernière mue, les ailes acquièrent toute leur grandeur. La sauterelle est arrivée à l’état par fait bien plutôt par des transformations que par des métamorphoses.

Les insectes à métamorphoses incomplètes par développement prématuré arrivent généralement à réaliser le type normal de l’insecte adulte; ceux au contraire dont les métamorphoses sont incomplètes par suite d’un arrêt de développement restent toujours plus ou moins éloignés de ce type. C’est là ce qui arrive aux puces. En pondant ses œufs, gros à peine comme une tête de camion, la mère a collé auprès d’eux de petits fragmens de sang desséché. De chaque œuf sort une petite larve, d’abord blanche et bientôt brunâtre, dont chaque anneau porte une petite touffe de poils. Quoique dépourvue de pieds et d’yeux, cette espèce de ver n’en déploie pas moins beaucoup d’activité, et sait fort bien trouver sa nourriture. En douze ou quinze jours, cette larve a acquis tout son développement. Alors elle se file un petit cocon en soie excessivement fine, dont les fils très serrés, mais formant un tissu à demi transparent, permettent de suivre à l’intérieur les progrès de la métamorphose. Comme dans les autres groupes dont nous avons parlé, la nymphe, aussi immobile qu’une chrysalide, montre toutes les parties de l’insecte parfait repliées et comme en raccourci, mais on ne lui trouve pas de rudimens d’ailes. La puce adulte sautera très bien, mais ne doit pas voler, et la métamorphose reste incomplète par le non développement de ces organes caractéristiques.

L’arrêt de développement peut respecter parfois les formes extérieures essentielles et n’atteindre que des appareils dont les parties fondamentales sont cachées à l’intérieur. La métamorphose n’en est pas moins incomplète dans ce cas. Depuis longtemps on a expliqué ainsi la nature particulière de certains individus, toujours de beaucoup les plus nombreux dans les colonies d’insectes, et qui, n’étant ni mâles ni femelles, ont, pour cette raison, reçu le nom de neutres. Ce sont en réalité autant de femelles modifiées par l’influence d’un régime probablement trop peu substantiel et d’une réclusion trop étroite. Les observations de Réaumur, les expériences de Schirach et de Huber ne peuvent au moins laisser de doute sur ce point lorsqu’il s’agit des abeilles. Chez celles-ci, l’alvéole qui renferme une larve de reine, c’est-à-dire de femelle féconde, est incomparablement