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que partagent du reste les autres lunes ou satellites par rapport à leur planète principale.

On juge ordinairement de la valeur d’une théorie par le nombre plus ou moins grand de faits qu’elle explique et lie ensemble ; mais de plus, il faut avant tout qu’elle ne soit en contradiction avec aucune loi établie dans la nature. La théorie cosmogonique de Laplace satisfait à toutes ces conditions. Elle est amenée d’abord par les indices du refroidissement graduel qui semble propre à la partie de l’univers que nous occupons. Ce refroidissement se traduit par l’agglomération de la matière primitive et la formation des soleils. Chaque soleil, encore très dilaté par la chaleur, est pourvu d’une atmosphère immense qui, d’après les lois du mouvement, abandonne, suivant la direction de l’équateur de ce soleil, des anneaux de cette atmosphère, qui plus tard se brisent et s’arrondissent en planètes. De là tous les mouvemens coordonnés dans le même sens et dans la même région du ciel. De là encore tous les mouvemens dans des cercles exacts et non point dans des courbes très allongées qui viendraient raser le soleil pour s’éloigner ensuite considérablement de cet astre, comme cela résulterait de l’hypothèse de Buffon. Ensuite vient secondairement la naissance des lunes ou satellites formés autour des planètes, comme celles-ci l’ont été autour du soleil, puis cette heureuse explication de l’inexplicable anneau de Saturne’, enfin cent autres détails auxquels cette théorie s’est pliée soit entre les mains de Laplace, soit entre celles de ses successeurs. D’après la théorie présente, et en nous restreignant à notre planète, nous la voyons primitivement faisant partie, de l’atmosphère embrasée du soleil, puis constituant une bande de feu isolée circulairement au-dessus de la surface de cet astre et ne suivant plus le reste de l’atmosphère solaire dans sa retraite. Lorsqu’ensuite toute la matière de la bande ou anneau de vapeurs incandescentes s’est réunie en un seul globe arrondi et tournant sur lui-même ; et quand l’atmosphère de ce globe a donné naissance à la lune, la terre se trouve réduite à des conditions à peu près semblables à celles où la théorie de Buffon plaçait notre globe à son origine, du moins sous le rapport de l’incandescence et de l’état de fusion primitive. Tout ce qu’a dit Buffon de sa terre peut donc s’appliquer à la terre de Laplace, sauf quelques particularités relatives à l’état de la matière au centre de notre globe, lesquelles sont mieux représentées par la théorie du géomètre que par celle du naturaliste. Tout le bénéfice des déductions de Buffon est ainsi acquis à la théorie de Laplace, et il est surprenant que cette dernière soit aussi peu connue et aussi peu populaire. Celui qui, après l’avoir bien comprise, la développerait en s’aidant de figures gravées et en évitant le style d’oracle et le