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Léonard ou Poussin pour les autres, perpétuaient des erreurs dont il fallait avoir raison. S’agissait-il de maîtres plus près de nous, on y mettait moins de façons encore : David, par exemple, et ses élèves se voyaient punis de l’excès de leur gloire par un excès de dédain tout aussi regrettable. L’équilibre s’est rétabli depuis lors entre ces alternatives d’engouement et de mépris. Chacun a fini par comprendre que si l’école de David n’a pas tout l’éclat qu’on lui avait prêté, elle représente au moins une phase très honorable dans l’histoire de la peinture française.

C’est au moment où l’opinion tend à se fixer sur cette école, qu’il convenait de nous raconter la vie d’artistes tour à tour exaltés et dépréciés hors de mesure, mais qui, toutes choses remises en place, gardent une importance durable. Un écrivain qui les a vus de près, M. Delécluze, vient de se faire leur Vasari, et certes personne plus que lui ne devait se croire autorisé à prendre un pareil rôle. Ce rôle cependant était-il bien le seul qui convint ici, et, tout en laissant une large part aux détails anecdotiques, fallait-il restreindre à ce point la part des aperçus personnels et des jugemens ? Il semble qu’en recueillant ses souvenirs sur Louis David et son école, M. Delécluze ait voulu faire acte de biographe plus encore que d’historien. Si intéressans que soient les renseignemens produits, si nouveaux que puissent paraître certains faits, le tout ne suffit pas pour nous édifier pleinement sur les questions qu’il s’agissait de résoudre, et ce livre, écrit par l’auteur en vue de réhabiliter son maître et ses anciens condisciples, semble laisser à ceux qui le lisent le soin de poursuivre la tâche, on dirait presque la vengeance commencée. La réserve de M. Delécluze sera pour nous un encouragement et une excuse, si nous abordons à notre tour un sujet qu’il s’est abstenu d’envisager sous toutes ses faces, mais dont il a mis en relief quelques côtés avec une autorité sans réplique.

L’école de David a un incontestable mérite d’intention : elle aspire à exprimer des idées graves sous une forme sévèrement châtiée. Ses prédilections naturelles ou acquises sont pour la grandeur épique, la rigoureuse précision du style ; la tradition d’art qu’elle entend continuer est la tradition antique, — en d’autres termes le culte de la vérité dans son acception la plus noble. Trop souvent, il est vrai, chez les élèves de David, — sans excepter même les plus éminens, — la recherche de la correction aboutit à la froideur, la retenue dégénère en simplicité apprêtée, et l’on a le droit de dire que dans l’art compris et pratiqué ainsi il y a quelque chose qui sent trop la convention et la rhétorique ; mais il convient aussi d’ajouter que ces talens un peu gourmés se recommandent au moins par un fonds de dignité vraie et de savoir sérieux. En face de ces œuvres où rien n’est