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Romains rechercher avant tout, comme cheval de guerre, le cheval numide. Ils s’en servirent avec succès dans leurs expéditions contre les Germains, les Gaulois et les Scythes. À l’époque guerrière des croisades, les peuples francs ramenèrent d’immenses quantités de chevaux orientaux, dont ils reconnaissaient le mérite comme cheval de guerre et comme cheval régénérateur. Pendant tout le moyen âge, le type du cheval de guerre en Occident fut le cheval barbe et son descendant, le cheval espagnol ; car, ainsi que le dit avec raison M. Ephraïm Houël dans son Histoire du Cheval, c’est une faute aux peintres et aux statuaires d’avoir représenté les guerriers de cette époque sur des chevaux lourds et massifs. Les hommes couverts des plus fortes armures recherchaient alors et de préférence les chevaux d’Orient ou ceux qui en descendaient.

Tous les chevaux fameux cités par l’histoire, — ceux de Richard Cœur-de-Lion à Médine, de Philippe-Auguste à Bouvines, de Guillaume le Conquérant à Hastings, de saint Louis à la Massoure, de François Ier à Pavie, de Henri II dans le tournoi où il fut tué, de Henri IV à Arques et à Ivry, de Louis XIV dans ses guerres et dans ses fêtes, et enfin de Napoléon Ier à Marengo, à Austerlitz, — tous ces chevaux étaient des barbes ou des arabes. Pourquoi donc ne voudrions-nous plus aujourd’hui du cheval que de pareils hommes tenaient en si grand honneur ?

Malgré mon désir d’en finir avec toutes les preuves de la supériorité du cheval oriental comme cheval de guerre, je ne puis m’empêcher de donner encore ici les appréciations de deux officiers supérieurs très spéciaux, le lieutenant-colonel Vallot et le lieutenant-colonel Guérin de Waïderbasch. Le premier est inspecteur général des établissemens hippiques de l’Algérie, et voici comment il s’exprime :

« Vous désirez connaître mon opinion sur la résistance à la fatigue et la sobriété du cheval arabe. Je ne puis mieux vous répondre, mon général, que par le récit succinct de ce qui vient de m’arriver.

« Envoyé par M. le général Randou, gouverneur général de l’Algérie, pour explorer les ressources chevalines de la régence de Tunis, j’ai voyagé avec M. Tissot, élève consul, M. de Berny, officier au 2e chasseurs d’Afrique, et nous avons marché pendant cinquante jours de suite, couchant à la belle étoile et sans donner aucun répit à nos chevaux, nous amusant au contraire à chasser souvent à droite et à gauche de notre route les gazelles, que d’infatigables lévriers faisaient lever devant nous.

« Pendant ces cinquante jours, nos chevaux et ceux de notre escorte ont mangé de l’orge tous les jours ; mais nous n’avons pu leur donner de la paille hachée que cinq fois, de la racine d’alfa que trois fois, et ils n’ont bu que trente-neuf fois.

« A notre retour à Tunis, ils étaient tous bien portans, gais, prêts à recommencer après quelques jours de repos.

« Je n’ajouterai rien à ces faits, ils parlent assez haut. »