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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/821

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il fallut tripler le prix des terres pour que le second bill ne fût pas rejeté comme le premier. Le pays sera obligé pendant longtemps de supporter des tarifs onéreux pour rembourser la dîme prélevée au profit des grands propriétaires fonciers.

Les coûteuses formalités parlementaires qui précèdent la concession des lignes ont également accru en d’énormes proportions le capital engagé dans les chemins de fer. Au seuil du palais de Westminster, les compagnies sont arrêtées par des agens très habiles à multiplier les procédures et très âpres en fait d’honoraires. Certaines sociétés ont dû jeter dans ce gouffre 50,000 ou 60,000 francs par kilomètre. L’instruction préliminaire pour le chemin de Birmingham coûta plus de 1,800,000 francs, celle pour le grand-occidental plus de 2,225,000 francs, celle du chemin de Brighton près de 5 millions (5 millions pour un chemin de 80 kilomètres !). Outre les frais de procédure proprement dits, il a fallu parfois en supporter d’autres d’une nature équivoque, qui ressemblent singulièrement, malgré les formes sous lesquelles on les déguisait, à des actes de corruption. Lois de la concession du chemin de fer appelé le sud-oriental, ou découvrit par hasard un exemple de ces subterfuges. La compagnie était censée avoir demandé des conseils à un membre du parlement, conseils gratuits bien entendu et qu’elle voulait cependant reconnaître ! Elle n’offrit pas des actions à son avocat bénévole, mais elle fit vendre les titres qu’elle lui destinait, puis elle lui porta le bénéfice réalisé dans cette négociation et montant à 7,500 francs : grossière explication, dont se contenta cependant un comité de la chambre des communes dans la crainte peut-être d’exciter trop de scandale. Veut-on une preuve irrécusable de l’étendue de ces abus, elle est écrite en gros caractères dans cet acte de 1844, qui oblige les comités formés pour connaître des demandes d’autorisation à déclarer par écrit que ni eux ni les électeurs de leur collège n’ont d’intérêt dans l’entreprise. cette loi n’empêcha pas qu’on ne comptât dans le parlement, un an plus tard, cent cinquante-sept membres dont les noms figuraient sur les listes des nouvelles sociétés pour des sommes énormes. Un seul avait souscrit des actions pour 7,275,000 francs. Ni ces souscriptions ni les dépenses parlementaires n’impliquaient nécessairement des transactions coupables, mais les unes mettaient en péril l’impartialité des chambres, et les autres grevaient d’un poids énorme l’avenir des railways.

En dehors des exigences officielles, les chemins de fer avaient donné naissance à de nombreuses catégories d’agens occupés à les rançonner de mille manières. Citons d’abord les fondateurs et les directeurs mêmes ; ils étaient d’ordinaire les premiers à recourir à de viles manœuvres pour se faire la grosse part au détriment des actionnaires. On en vit quelques-uns, dans les circonstances où leur propre compagnie émettait de nouvelles actions, et quand ces titres jouissaient d’une prime à la bourse, s’en attribuer un nombre considérable, et satisfaire au premier versement avec les deniers sociaux. De plus, de fausses déclarations d’emploi, des détournemens positifs ont été maintes fois constatés dans les livres et mis au jour devant des comités d’enquête. Venaient ensuite les ingénieurs recevant des salaires énormes, et coûtant plus cher encore aux compagnies par suite de leurs