Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Homère et de Théocrite appartient au style élevé, et qui, dans la nôtre, appartient au style bas. C’est là une vérité que les poètes de notre pays ne devraient jamais oublier. Ils croient avoir retrouvé la couleur antique, parce qu’ils ont supprimé la périphrase. Ils se trompent : la périphrase n’est pas plus infidèle que la trivialité substituée à la simplicité.

Que faut-il donc penser du poème des Heures ? Ce n’est pas un début sans valeur. Ce premier essai de M. Busquet mérite les encouragemens de la critique. Le ton narquois de la préface ne doit pas nous rendre sévère pour l’œuvre du poète nouveau. Peut-être y a-t-il autant d’orgueil que de modestie dans les avis qu’il nous donne. En nous signalant les pièges à loup, il semble dire en se rengorgeant : Prenez garde, ignorans, car vous avez affaire à l’antiquité, que je connais, et que vous ne connaissez pas ! N’ayez pas la main trop lourde, si vous voulez frapper sur moi, car il pourrait vous arriver de frapper sur Théocrite. — Mais nous aurions mauvaise grâce à scruter si rigoureusement ses intentions. Que ces conseils soient inspirés par l’orgueil ou par la modestie, nous n’avons à juger que son livre, et nous sommes heureux d’y reconnaître des sentimens vrais. Puisque M. Busquet ne se hâte pas de produire, puisqu’il n’improvise pas, nous avons lieu d’espérer qu’il prendra la peine d’étudier avec soin le vocabulaire poétique, et qu’à l’avenir il traitera André Chénier avec plus de respect. Le dédain des maîtres porte rarement bonheur aux débutans, que M. Busquet ne l’oublie pas. Quoi que puissent dire d’André Chénier les hellénistes qui vivent dans le commerce direct et familier de l’antiquité, quoiqu’il soit possible de signaler dans ses imitations bien des traces de timidité, il faut pourtant reconnaître que personne parmi nous, je dis parmi les poètes, n’a mieux senti, mieux rendu le génie de l’antiquité. Il se rapproche de la Grèce plus souvent que Fénelon, et Ballanche même, qui a montré dans son Antigone un sentiment si pur du génie hellénique, ne lui est pas supérieur. Si dans la seconde partie de son poème M. Busquet veut introduire quelques fragmens antiques, et je crois qu’il ferait mieux de s’abstenir, il ne peut pas choisir un guide plus sûr qu’André Chénier. Puisqu’il aime la poésie grecque, ce qui est une preuve de goût, il n’a rien de mieux à faire que de consulter cet esprit ingénieux, amoureux de l’étude, si richement doué, et qui parlait si naturellement la langue divine.

Si nous sortons du domaine de la poésie lyrique, nous rencontrons au théâtre quelques tentatives plus dignes d’intérêt. M. Octave Feuillet, en abordant la scène, n’avait besoin ni des encouragemens ni des recommandations de la critique : il arrivait précédé d’une réputation très légitime et très solidement établie. Rédemption