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génériques ne sont guère plus nombreux. Nous conservons dans nos langues de véritables déterminatifs, et si nous écrivions avec des signes idéographiques, ils seraient aisément reconnaissables. Est-ce que par exemple la terminaison ment, que nous donnons à tant d’adverbes, n’est pas un véritable déterminatif indiquant la manière dont une chose se fait, existe ou se dit ? Est-ce que la terminaison ité, qui appartient à tant de noms abstraits, n’est pas aussi une sorte de déterminatif indiquant un substantif de qualité ? Enfin certains augmentatifs ou diminutifs sont aussi de vrais déterminatifs de grandeur ou de petitesse, d’estime ou de mépris.

Les déterminatifs sont donc, — avec les rapprochemens de variantes, la comparaison de mots écrits tantôt phonétiquement, tantôt à l’aide partielle de symboles ou de figures, — des élémens nécessaires pour la composition d’un véritable vocabulaire égyptien, qui reste encore à publier malgré la tentative de Champollion. Jusqu’à nouvel ordre, on se sert du copte, mais le mot copte est loin d’être toujours le mot égyptien. La langue sacrée s’était éloignée de plus en plus de la langue vulgaire, et même il était arrivé un moment où il avait fallu, pour écrire celle-ci, un système graphique différent. Voilà comment était née l’écriture démotique, usitée pour la transcription de ce dialecte populaire. Et, soit dit en passant, ce fait d’une séparation entre la langue parlée par le peuple et la langue écrite, formellement énoncé par Manéthon, aurait dû faire comprendre dès l’origine que le copte ne pouvait être l’égyptien pur, et que, l’égyptien ayant ainsi dégénéré par l’action des siècles, il avait dii lui-même, avant de se séparer complètement du domotique, subir des altérations d’où était sorti ce dialecte vulgaire. Les articulations surtout s’étaient altérées, et une lettre prononcée différemment suivant les mots ou suivant les lieux avait fini par donner naissance à des articulations distinctes, et bientôt à des lettres séparées dans le copte. Voilà comment Champollion, qui voulait absolument rendre les signes hiéroglyphiques par des lettres coptes, fut entraîné à attribuer des valeurs de prononciation différentes à un seul et même signe, système qui souleva contre lui de graves et naturelles objections. MM. Lepsius et Birch, puis surtout M. de Rougé, ont cherché à rétablir dans sa pureté primitive le système de vocalisation égyptienne et refait le véritable alphabet hiéroglyphique. Cet alphabet est devenu fort simple ; il y a moins de lettres, et chacune d’elles est représentée par un moins grand nombre de signes, car, les hiéroglyphes d’un emploi phonétique accidentel écartés, il ne reste plus guère que deux signes pour chaque lettre, l’un pour les groupes disposés dans le sens longitudinal, l’autre pour ceux qui se plaçaient en largeur.

M. de Rougé a aussi approfondi la syntaxe, que Champollion avait presque complètement négligée. Cette syntaxe rapproche l’ancien égyptien de l’hébreu, et en général de cette grande famille de langues désignées sous le nom de sémitiques. L’égyptien offre un certain vague dans l’emploi des voyelles, qui s’est effacé dans l’écriture copte par suite de l’adoption des lettres voyelles grecques à sons fixes, mais que trahissent encore les nombreux changemens de voyelles dans les trois dialectes. Ce vague est, comme chacun sait, caractéristique des langues sémitiques, où les consonnes forment seules le corps du mot. Il est digne de remarque que le gheez ou