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Il a créé tout ce qui existe dans les abîmes célestes. — Hommage à toi, Ra ! Lorsqu’il s’éveille, ses rayons portent la vie aux purs. — Hommage à toi, qui as fait les types dans leur ensemble. Lorsqu’il se cache, ses voies sont inconnues. — Hommage à toi ! lorsque tu circules dans la région supérieure, les dieux qui t’approchent tressaillent de joie. »

Ce qui est dit des mystères de Neith dans l’inscription du Naophore complète ces premières notions sur le culte du soleil. Neith était la mère de ce dieu ; elle l’avait enfanté, comme disent les textes hiéroglyphiques, sans génération paternelle ou masculine. En effet, les Égyptiens enseignaient formellement que Ra n’avait point eu de père, qu’il s’était engendré lui-même, comme on le voit par l’hymne que je viens de citer. Un autre hymne du musée de Leyde dit de ce dieu : « C’est le seul générateur dans le ciel ou sur la terre, et il n’est point engendré. » Enfin la conception divine purement égyptienne est plus nettement formulée par les paroles d’un autre hymne qui date de la fin de la dix-huitième dynastie, et que M. de Rougé a lu sur une seconde stèle de la collection Passalacqua : « C’est le dieu seul vivant en vérité, y est-il dit…, le générateur des autres dieux…, celui qui s’engendre lui-même…, celui qui existe dans le commencement. »

Le soleil constituait donc le grand dieu de l’Égypte, et était en réédité le seul qui reçût un culte dans toutes ses provinces. C’était, comme dit le texte hiéroglyphique de l’inscription du Naophore, le dieu premier-né qui s’engendre lui-même. Le rituel auquel Champollion avait judicieusement imposé l’épithète de funéraire[1] est une collection de prières et de formules, toutes relatives à la destinée de l’homme après sa mort. On en trouvait dans chaque cercueil de momie un exemplaire plus ou moins complet, suivant la fortune du défunt. Les premiers chapitres renferment les hymnes chantés à la procession funéraire. En général, le dogme de l’immortalité de l’âme fait le fond de tout ce livre, qui contient en outre un chapitre spécial, intitulé : De la Vie après la mort ; mais ce rituel est surtout consacré à la relation des pèlerinages que l’âme était censée accomplir à la suite d’Osiris dans les diverses régions ou demeures du ciel infernal. L’une des demeures était la salle de la double justice, dans laquelle se passait le jugement de l’âme, cette scène qui est connue sous le nom de psychostasie, et qui se trouve presque toujours peinte sur les sarcophages de momies. La pérégrination de l’âme fiait par son intime union avec le soleil, qu’elle accompagne désormais en jouissant de sa pleine lumière. Quelques chapitres dont le style accuse une époque moins ancienne traitent de l’absorption de l’âme dans la Divinité et de sa divinisation complète. Ils terminent généralement les exemplaires de ce livre curieux.

Le fond du rituel remonte incontestablement à la plus haute antiquité ; ses chapitres principaux figurent comme textes sacrés dès avant le temps des pasteurs, et M. de Rougé a retrouvé le chapitre de la vie après la mort sur un monument de la douzième dynastie. Nous possédons des exemplaires de ce livre en hiéroglyphes et en hiératique ; les variantes que fournissent ces

  1. M. Lepsius l’a improprement désigné sous le nom de Todtenbuch (Livre des Morts.)