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d’une telle obligation, si peu compromettante de sa nature cependant. Quant aux états secondaires, ils continuent à pratiquer ce merveilleux système d’oscillation qui les fait incliner tantôt vers l’Autriche, tantôt vers la Prusse, et dont le dernier mot est l’inaction de l’Allemagne en présence d’une des plus grandes affaires du siècle et du monde.

L’intérêt n’est point là aujourd’hui, il est tout entier dans la guerre qui enveloppe la Russie de son feu. Dans l’espace de quelques jours, presque simultanément, la guerre s’est manifestée par deux actions sérieuses : le bombardement de Svéaborg, dans le golfe de Finlande, et le combat livré le 16 août en Crimée, sur la Tchernaïa. Le bombardement de Svéaborg a cela de particulier, qu’il est la première opération décisive tentée cette année dans les eaux du Nord en dehors du blocus, et cette opération a pu s’accomplir heureusement sans que les flottes alliées aient essuyé de pertes. Svéaborg, on ne l’ignore pas, est l’une des principales positions fortifiées de la Russie sur la côte de Finlande ; elle est située sur sept îlots reliés l’un à l’autre et protégés par un ensemble de batteries formidables. La ville est peu importante par elle-même, mais c’est un des plus considérables arsenaux maritimes, et ses fortifications défendent les approches de la rade d’Helsingfors. C’est le 9 août que les escadres se sont présentées devant Svéaborg ; elles ne pouvaient songer sérieusement à entamer les constructions granitiques qui forment la défense de la côte. Leur objet essentiel était de frapper la Russie dans un de ses grands établisscmens maritimes, de détruire son arsenal, ses magasins, ses approvisionnemens, et le bombardement a eu cet effet en allumant un incendie qui a duré quarante-cinq heures, en déterminant des explosions qm ont dû entraîner des pertes considérables. Plus de vingt mille projectiles ont été lancés sur Svéaborg durant ce bombardement de trois jours. Ce qui paraît avoir eu les résultats les plus meurtriers, c’est une batterie française habilement placée à courte distance, sur l’îlot d’Abraham. Le commandant russe des côtes de Finlande, le général de Berg, cherche sans doute dans son rapport, qui a été pubhé, à atténuer le coup porté par les escadres alliées ; il ne dissimule pas cependant quelques-unes des pertes les plus sensibles, l’explosion des magasins, les notables dommages causés à un vaisseau qui est sorti de l’affaire singulièrement criblé. L’attaque de Svéaborg aura eu surtout pour résultat de montrer ce que peuvent les bombardes et les chaloupes canonnières, dont il a été fait un habile usage, et il est possible que d’autres opérations se succèdent encore dans la Baltique avant que la saison ne vienne de nouveau mettre la Russie à l’abri derrière ses glaces d’hiver.

À ce succès de Svéaborg répondait presque au même instant, ainsi que nous le disions, un autre succès en Crimée, et ici c’était une véritable bataille, un second Inkerman, qui a eu le même déuoûmeut, si le combat s’est engagé dans des conditions moins terribles. La tentative, du reste, avait le même but, et tout indique que dans l’esprit des généraux russes elle avait le caractère d’un effort extrême et décisif. Il s’agissait de percer nos ligues de la Tchernaïa, de se frayer une route jusqu’à nos retranchemens et de dégager Sébastopol. C’est ce plan qui a échoué complètement devant l’intrépidité de nos soldats. Il est facile de se rendre compte de la position des