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la France, montrer les déviations d’où est né le triste enchaînement des fatalités révolutionnaires, écarter les dangers chimériques qui s’attachent, soit à des invasions intérieures, soit à des coalitions étrangères, rechercher les bases solides d’un ordre libéral et conservateur, c’est là ce que fait M. d’Esparbès de Lussan dans son livre sur ta France et la Révolution de 1789. On pourrait sans doute approfondir davantage. Le côté à signaler dans l’ouvrage de M. de Lussan, c’est le mouvement d’idées qu’il exprime. Rattaché évidemment à des opinions et à des traditions monarchiques, l’auteur entre dans cette étude des problèmes contemporains avec un esprit libre et éclairé, jugeant sans passion, démêlant sans parti pris le bien et le mal dans la révolution. S’il est en effet un moyen de tirer quelque fruit des agitations qui remplissent notre siècle, n’est-ce point de se dégager de toute partialité, d’observer et de faire son choix par un discernement supérieur ? Au milieu de l’indécision et du trouble des esprits, c’est de cette étude impartiale et sévère que peut renaître une conviction nouvelle. Les hommes de notre temps commencent à s’éloigner assez de la révolution pour en décliner les solidarités et les excès ; ils ont le droit de la contraindre à être un progrès et non une destruction.

La vie politique se présente sous bien des aspects. Malheureusement, lorsqu’un pays est entré dans une fausse voie, il lui est difficile d’en sortir. Les fautes se succèdent, le désordre devient une sorte d’état normal. On sait quel rôle a joué la Grèce l’année dernière au moment où s’engageait la guerre d’Orient. Les puissances occidentales ont été conduites à intervenir pour ramener le gouvernement hellénique à une appréciation plus exacte de sa position et de ses devoirs, et la Grèce a été obligée de se résigner à ne point conquérir l’empire d’Orient. Un cabinet où entraient M. Mavrocordato et le général Kalergi prenait la place d’un ministère qui pactisait avec les insurgés de l’Épire et de la Thessalie. Depuis cette époque cependant, malgré les efforts du nouveau cabinet, l’état intérieur du royaume hellénique ne s’est guère amélioré. D’abord, le gouvernement qui se formait précisément pour donner satisfaction aux puissances occidentales ne pouvait empêcher que beaucoup de fonctionnaires ne restassent au fond favorables à toute tentative insurrectionnelle, et que ces mêmes dispositions ne se retrouvassent à la cour, si ce n’est dans l’esprit du roi Othon et de la reine. De là des difficultés incessantes. L’insurrection n’existe plus, il est vrai, mais elle s’est tournée en désordre et en brigandage, au point que récemment encore, à peu de distance d’Athènes, le préfet de police lui-même était arrêté. Ce n’est point là pourtant aujourd’hui l’incident politique le plus grave de la vie de la Grèce. Il s’est produit, il y a quelque temps, un fait dont il est difficile de pressentir les conséquences. La reine, assure-t-on, faisait notifier à une personne de ne plus se présenter à la cour, parce qu’elle était en relations avec le ministre de la guerre, le général Kalergi. Celui-ci s’en plaignit dans une lettre qui rappelait des souvenirs désagréables à la reine. Le pis est que cette lettre fut publiée quelques jours après dans un journal français. Le roi paraît alors s’être adressé aux ministres des puissances allemandes pour se débarrasser du général Kalergi. Ceux-ci en effet, dit-on, firent une démarche auprès de M. Mavrocordato,