Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restée ce qu’elle était à l’origine, une terre inhabitable. Une tradition veut que la première digue de la Hollande méridionale ait été établie contre le Rhin, aux environs de Leyde, dans le plat pays. Ce système se répandit : on se servit de semblables ouvrages pour prévenir les irruptions de la Meuse. Les historiens ne sont point d’accord sur l’origine des travaux, les uns les attribuent aux seigneurs, les autres au peuple. La noblesse avait autrefois une part dans l’établissement des digues ; mais ce serait une erreur de croire que les châteaux formassent les points de départ du système hydraulique ; beaucoup de châteaux, qui dominent le cours des fleuves et des rivières, sont au contraire de date beaucoup plus récente que l’endiguement. Ces remparts de terre ont été construits d’abord par districts ; les propriétaires du sol se cotisaient et formaient une sorte d’assurance mutuelle pour se prémunir contre le débordement des eaux. Les districts hydrauliques furent plus ou moins étendus, plus ou moins bien constitués selon les besoins de la défense. Non-seulement la noblesse féodale fut étrangère à ce mouvement, mais encore l’administration des eaux (le waterstaat) donna naissance à une noblesse nouvelle, d’origine toute plébéienne. Les comtes des digues, comme on appelait les inspecteurs chargés de la surveillance des fleuves, jouissaient de pouvoirs très étendus, qui surpassaient même, dans les temps de crise, l’autorité des comtes proprement dits. Partout la noblesse s’est greffée à l’origine sur les conditions de la conquête ; comme en Hollande l’ennemi c’était le sol, les fonctions qui avaient pour but la victoire de l’homme sur les élémens furent de tout temps honorées. Les travaux entrepris dans les Pays-Bas pour rectifier le cours des rivières ont été véritablement prodigieux. Avant l’ère chrétienne, Drusus avait fait creuser un canal pour joindre l’Yssel avec un bras du Rhin ; un demi-siècle plus tard, les Romains lièrent un autre bras du Rhin avec le Lock, qui n’était jusque-là qu’une petite rivière ; enfin, de notre temps, de gigantesques ouvrages ont réuni ce même Rhin à la Mer du Nord. Il serait trop long de rappeler les autres conquêtes obtenues sur les rivières de la Hollande, ces ennemies intimes du pays. La Bible nous représente quelque part le génie de Babylone assis superbement sur les quais de la ville, et se disant à lui-même : C’est moi qui ai fait l’Euphrate ! A la vue des magnifiques canaux qui relient ensemble les bras errans des rivières, à la vue de ces fameuses digues qui retiennent, comme les bords d’une coupe, les flots toujours prêts à déborder, le génie de la Hollande peut dire avec encore plus de vérité : C’est moi qui ai fait le Rhin ! c’est moi qui ai fait la Meuse ! — La nature n’avait donné aux Pays-Bas que des cours d’eau incertains et ravageurs : de ces cours d’eau, l’industrie nationale a fait des fleuves.

Les procédés d’endiguement varient avec la nature des obstacles