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d’où l’on concluait que l’action attractive de la lune et du soleil pouvait influer sur la stabilité de nos continens solides. Il n’en est rien. Le calcul démontre que la force soulevante de la lune ne produirait pas à beaucoup près l’effet que ferait le poids d’une couche d’un tiers de mètre d’épaisseur. Or, comme personne n’admettra qu’un terrassement de trente centimètres puisse disloquer les continens, cette nouvelle cause des tremblemens de terre va rejoindre la cause précédemment examinée, savoir le ressort élastique de la vapeur d’eau.

À ce propos, je suis bien aise de régler un petit compte avec quelques critiques, d’ailleurs fort bienveillans, qui désirent que je mette un peu plus de mathématiques et de formules dans mes études. Donc, pour s’assurer de la vérité de l’assertion qui précède sur le peu d’énergie de l’action lunaire, les amateurs d’analyse voudront bien mettre la main à la plume et prendre l’intégrale de deux fois la masse de la lune multipliée par la distance au centre de la terre et par la différentielle de la même distance, le tout étant divisé par le cube de la distance de la lune à la terre. Ils trouveront pour résultat, entre les limites du rayon de la terre, la masse de la lune multipliée par le carré du rayon terrestre et divisée par le cube de la distance lunaire. Cette force, comparée à la pesanteur, devient égale au rapport des masses de la terre et de la lune multiplié par le cube du rapport du rayon de la terre à la distance de la lune. Or, d’après la détermination récente de M. Le Verrier, la masse de la lune est la quatre-vingt-quatrième partie de celle de la terre, et de plus on sait que la distance de la lune à la terre est égale à soixante fois le rayon de la terre. Avec ces données, on trouve que la pesanteur n’est diminuée que d’un dix-huit millionnième, ce qui, sur un rayon d’environ six millions de mètres, ne fait qu’à peu près un tiers de mètre. Tel est l’effet minime de cet astre. Il est évident que la lune a été calomniée quand on a voulu la rendre responsable des désastres que produisent les secousses des tremblemens du globe.

Pour faire encore mieux comprendre le peu d’action de la lune sur les objets placés ici-bas, je dirai que sur un corps pesant 90 kilogrammes la diminution de poids ne serait que d’un centigramme. Ainsi un homme qui marche ayant la lune au-dessus de sa tête n’a pas son poids diminué de cette quantité. C’est la centième partie du poids d’une pièce d’argent de vingt centimes.

Les limites d’un article scientifique, basées naturellement sur le degré d’attention que l’esprit peut donner sans se fatiguer aux sujets sérieux, me forcent à remettre ce qui nous reste à examiner et à éclaircir sur toute cette importante théorie de la constitution intime de notre globe et sur les déductions et applications qui s’ensuivent. Je ne dirai qu’un mot encore en finissant sur ces singulières paniques, ces épidémies de terreur, qui de temps en temps saisissent les populations entières, et prennent les proportions d’une vraie calamité publique. Vers les trois quarts du siècle dernier, ce furent les comètes qui causèrent cette frayeur. Le mot de fin du monde était dans toutes les bouches, et les instructions publiées par des autorités éclairées étaient regardées comme des précautions de police prises sans conviction par les dépositaires du pouvoir. La même frayeur se