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auditeurs complaisans pour qui ce tour de force est le comble de l’art. Je dois ajouter que les vrais amis de la musique envisagent à bon droit cette transformation comme une impiété envers la mémoire du maître. Eh bien! théoriquement parlant, je ne fais aucune différence entre les parties décuplées du septuor de Beethoven et la réduction au douzième de la Minerve de Phidias. Je m’empresse de reconnaître que M. Simart a montré dans cette tentative un talent très élevé. Non-seulement toutes les parties nues sont d’une forme élégante et un peu virile, comme le commandait le sujet, mais le casque et le bouclier sont restitués de façon à contenter les érudits et les hommes de goût.

M. Jacquemart, qui avait exposé il y a deux ans le modèle en plâtre d’un Tigre à l’affût, remarqué justement comme une imitation fidèle de la nature, nous a donné cette année un lion coulé en bronze, très supérieur à son tigre par la finesse et la précision du modelé. Si pour être un statuaire accompli il ne s’agissait que de copier littéralement ce que nos yeux aperçoivent, l’auteur de ce lion serait bien près du but, car il a reproduit avec un grand bonheur la forme et le mouvement; mais tous ceux qui aiment son talent, qui en comprennent la valeur, qui apprécient l’énergie de ses efforts, doivent se réunir pour lui dire qu’il se méprend sur la nature et le but de son art. En persévérant dans la voie où il est entré, il supprimerait tout simplement la partie la plus élevée de la statuaire, l’invention, celle qui relève directement de l’intelligence, et ne laisserait subsister que celle qui relève de l’œil et de la main. Son lion est très vrai; c’est un ouvrage qui révèle un regard attentif, une main habile : seulement il convient d’ajouter que l’auteur, en copiant ce qu’il voyait, n’a pas tenu compte d’une condition élémentaire qui domine les arts du dessin, et particulièrement la statuaire. Telle figure dont le mouvement peut produire un excellent effet dans un groupe ne réussit pas aussi bien lorsqu’elle est isolée. Quand elle peut être vue librement de tous les côtés, il faut prendre garde de sacrifier la beauté à l’exactitude. Or le lion de M. Jacquemart n’a pas toute l’élégance qu’on pourrait souhaiter dans une figure isolée. Le mouvement des épaules et du cou raccourcit le modèle et lui ôte une partie de sa souplesse. Ce qui eût été excellent dans un groupe ne se comprend pas aussi clairement dans un lion dont le spectateur peut faire le tour.

Le Faune dansant de M. Lequesne, le Faucheur et les Gracques de M. Guillaume, la Vérité de M. Cavelier peuvent servir à mesurer le niveau des études en France. Ces trois sculpteurs en effet, tous trois pensionnaires de l’Académie à Rome, représentent assez fidèlement la manière de leurs maîtres, MM. David et Pradier. Le Faune dansant