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nature du sujet. le dos et les hanches sont d’une grande richesse, les extrémités sont fines, la poitrine est d’une jeunesse vraie ; en somme, cette Nymphe est supérieure à Héro, mais l’auteur fera bien de ne pas considérer la tête comme un élément secondaire de la beauté.

Nous devons regretter que le maître de M. Cavelier et de M. Loison, M. David d’Angers, n’ait rien envoyé à l’exposition, car il y a dans sa manière une originalité que personne n’a jamais contestée, et ses œuvres nous auraient aidé à compléter la physionomie de l’école française. Le talent de M. Cavelier n’est pas pour nous un dédommagement suffisant.

Si nous comparons le passé de notre école à son présent, nous sommes amené à reconnaître que l’ensemble des tableaux et des statues créés au XIXe siècle est supérieur aux statues et aux tableaux du siècle dernier. Ingres, Delacroix et Decamps, Barye et David, ont une autre valeur que les peintres et les sculpteurs du temps de la régence, de Louis XV et de Louis XVI. Acceptons sans dépit et sans étonnement l’engouement de quelques amateurs pour Watteau, pour Boucher, pour Vanloo, pour Clodion, et rendons justice à notre âge. La sculpture et la peinture qui se font sous nos yeux sont d’un ordre plus élevé que la sculpture et la peinture encouragées par Mme du Barry et Mme de Pompadour. Si nous ne portions pas nos regards au-delà de la régence, nous pourrions donc, en nous servant d’une expression devenue célèbre, dire que l’art est aujourd’hui à un bon point ; mais si nous retournons plus loin en arrière, si nous remontons jusqu’à la renaissance, nous sommes obligé de nous montrer plus sévère. Avons-nous aujourd’hui l’équivalent de Jean Goujon, de Germain Pilon, de Puget ? Pradier, malgré la grâce de ses œuvres, n’a rien produit qui se puisse comparer à la Diane, à la fontaine des Innocens, au groupe des trois Grâces. David, il est vrai, rappelle, dans plusieurs de ses compositions, la manière de Puget. On peut établir une comparaison entre le Philopœmen et le Milon ; mais cette comparaison donne l’avantage au sculpteur marseillais. Quelle que soit en effet l’excellence du Philopœmen, envisagé comme expression de la réalité, il faut bien avouer qu’il n’offre pas les grandes divisions musculaires que nous admirons dans le Milon, comme dans le Thésée du Parthénon. Quant à la peinture, avons-nous l’équivalent de Lesueur et de Poussin ? Personne n’estime plus haut que moi le talent de M. Ingres ; cependant, s’il exécute ce qu’il a conçu plus habilement que l’auteur de l’Enlèvement des Sabines et du Déluge, s’il manie plus adroitement le pinceau, il n’est pas son égal dans le domaine de l’invention. Il a moins de fécondité, moins de variété. S’il doit laisser dans l’histoire de l’art français une trace profonde, je ne crois