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la fameuse bataille de Trafalgar et fut chargé de conduire à Rio-Janeiro le duc de Bragance, qui fuyait devant Junot. En 1814, il fut blessé au fameux siège de la Nouvelle-Orléans, que Jackson défendit avec tant de résolution et de courage. Enfin en 1819 il reçut l’ordre d’aller examiner les côtes de l’Amérique septentrionale depuis l’embouchure de la rivière Coppermine. Il partit de York-Factory, sur la baie d’Hudson, établissement principal de la compagnie anglaise qui, depuis bien longtemps déjà, fait seule le commerce d’échange avec les Esquimaux. Les agens de cette compagnie sont disséminés depuis la baie d’Hudson jusqu’au lac de l’Esclave et au lac Grand-Ours ; leurs habitations, qu’on a pompeusement décorées du nom de forts, ne sont que d’assez pauvres huttes en bois, sur lesquelles flotte le pavillon anglais, et qui rappellent un peu par leur situation et leurs dispositions principales ce qu’on nomme en Afrique les blokhaus. Les postes de la compagnie sont distribués sur cette grande chaîne de lacs qui forme un des traits les plus singuliers de cette portion de l’Amérique. Franklin dépassa le lac Winnipeg, suivit la rivière Seskatchawan et arriva successivement au fort Chipewyan sur le lac Athabasca, au fort Providence, au fort Entreprise près du lac de l’Esclave. Il descendit de là la rivière Coppermine jusqu’à la mer arctique, dont il suivit les rivages sur deux canots jusqu’à la pointe Turnagain, sur une distance de 550 milles. À ce point, les provisions commencèrent à manquer : il fallait retourner au fort Entreprise à travers une immense contrée complètement déserte, abandonnée et couverte de neige. Au bout de plusieurs jours, le peu de pemmican[1] qui restait encore était épuisé, et il fallut se contenter pour nourriture d’une mousse nommée tripe de roche. L’expédition se composait de Franklin, du docteur Richardson, de deux jeunes officiers, MM. Hood et Back, d’un matelot anglais, Hepburn, de dix Canadiens et de deux Indiens. Ils réussirent à tuer quelques animaux qui calmèrent un peu les tortures de la faim ; mais ils n’avancèrent que lentement et péniblement dans ce grand désert de neige, entrecoupé fréquemment par des ravins profonds. Franklin se trouva bientôt tellement affaibli, qu’il perdit une fois complètement connaissance. M. Back prit l’avance avec trois hommes pour aller chercher du secours dans le fort Entreprise. Franklin continua de s’avancer lentement avec le reste de la troupe ; il ne pouvait plus faire que 5 ou 6 milles dans un jour. Deux Canadiens périrent dans la neige, et l’on se partagea les semelles de leurs souliers. Richardson, le matelot anglais et un des Iroquois furent obligés de s’arrêter sous une tente ; Franklin

  1. Le pemmican est une préparation de viandes très nutritive sous un faible volume.