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III. — VOYAGES À LA RECHERCHE DE FRANKLIN. — DÉCOUVERTE DU PASSAGE DU NORD.

La disparition de Franklin marque le début de ce que nous avons appelé la troisième époque des expéditions arctiques. Les voyages de recherche, en se multipliant, imprimèrent aux études sur les régions du pôle une activité nouvelle, que devaient bientôt signaler d’importans résultats[1].

C’est en 1848 que l’on commença à s’émouvoir de la longue absence de Franklin ; à partir de cette année l’on vit se succéder sans interruption les expéditions de recherche au pôle. Quelques-unes passèrent par le détroit de Behring ; mais leur grande route en quelque sorte fut la baie de Baffin, le détroit de Lancastre et celui de Barrow. Les navires qui prennent ce chemin suivent, le long de la côte occidentale du Groenland, le canal ouvert qui reste libre entre la côte et les grands radeaux de glace qui occupent le centre de la baie. C’est d’Uppernavik, le dernier établissement danois de la côte, à 72e, que les officiers anglais datent leur dernier rapport : c’est leur adieu au monde. Désormais les seuls êtres humains qu’ils peuvent encore rencontrer sont quelques pêcheurs de baleine ou des familles errantes d’Esquimaux.

Les trains de glace encombrent complètement la grande indentation en fer à cheval qui forme le fond de la baie de Baffin, et que les marins appellent la baie de Melville. Le canal qui reste libre entre cette grande barrière et la côte du Groenland devient de plus en plus étroit, et il faut trouver un passage pour pénétrer dans le détroit de Lancastre, qui s’ouvre de l’autre côté de la baie. L’accumulation des glaces dans la baie de Melville vient de sa position très septentrionale, du changement de direction des glaces au moment où elles sortent du détroit de Lancastre, des montagnes de glaces qui descendent en masse de la côte, et qui souvent s’avancent presque en sens contraire des grands radeaux superficiels. Une fois engagé dans un canal interrompu par des langues de glace, il faut souvent faire avancer le navire mécaniquement, le traîner à la remorque dans un passage laborieusement ouvert avec la hache et le cabestan. Sa marche ne se mesure plus dès lors par milles, mais par mètres. C’est là qu’ont eu lieu tous ces désastres qui, parmi les pêcheurs de baleine, ont donné à la baie Melville une si terrible réputation. Les baleines se réfugient aujourd’hui à l’ouest de la baie Melville, dans les détroits de Lancastre et de Barrow et dans le canal du Prince-Régent, et les navires qui traversent le passage de

  1. Nous avons consulté, pour raconter ces dernières expéditions, les documens de l’amirauté anglaise et les documens presentés à la chambre des communes