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du pays. Il n’y avait, à ce qu’il semble, qu’à faire savoir à Saint-Pétersbourg qu’après la révolution du 13 mars, destinée à vaincre l’obstination du souverain qui refusait d’obéir aux sommations d’Alexandre, on était prêt à signer la paix. Un autre sentiment prévalut. Les Russes étaient plus que jamais détestés à Stockholm après l’invasion perfide de la Finlande; on était bien convaincu que c’était là l’ennemi naturel et irréconciliable, et que la conquête de 1808 et de 1809 était bien moins un accident né des complications européennes qu’un résultat longtemps préparé par l’ambition moscovite. On oublia Tilsitt et Erfurt; on invoqua la France, on voulut se jeter dans ses bras. Le nouveau gouvernement pensait d’ailleurs que la France ne dédaignerait pas l’alliance d’un peuple brave et généreux, qui pouvait, dans le cas toujours à prévoir d’une rupture avec la Russie, devenir si importante et si utile. C’était l’alliance indiquée par l’ancien système politique et la plus conforme aux traditions du passé.

« Il est permis d’espérer, disait le cabinet suédois dans ses instructions au baron de Schwerin partant pour Saint-Pétersbourg, que la France ne cédera pas désormais un des plus beaux droits que les siècles lui ont transmis à l’égard de la Suède, celui de fixer son sort et son indépendance. » Dès le 29 mars, le duc de Sudermanie (Charles XIII) écrivait à Napoléon : « ….. Je souhaite de trouver dans votre majesté impériale un appui et un médiateur, persuadé que les intérêts de la Suède, de tout temps appréciés par elle, ne sauraient jamais devenir indifférens au souverain magnanime à qui la Providence a confié les destinées de tant de nations. Celle que je gouverne est digne d’un sort prospère, digne de ne pas succomber à la suite d’événemens aussi contraires à ses intérêts qu’à ses vœux. Elle possède encore tous ces élémens de courage et d’énergie qui, depuis des siècles, ont rendu son sort si intéressant à la France. » Le duc demandait ensuite, afin d’éviter une paix particulière avec la Russie, que Napoléon voulût se faire le médiateur des négociations et permettre qu’elles fussent ouvertes sous ses yeux, aux lieux mêmes de ses résidences.

Napoléon ne témoigna aux différens envoyés de la Suède aucune mauvaise volonté; il leur sut gré de la révolution qui avait renversé son adversaire opiniâtre et insensé; il les en félicita. Toutefois il ouvrait en ce moment même une campagne contre l’Autriche; le concours d’Alexandre lui était indispensable contre cette puissance et contre l’Angleterre : ce n’était pas alors qu’il pouvait s’en priver, et il se voyait obligé de ménager en tout le tsar. D’ailleurs il avait promis de laisser toutes les affaires du Nord à la disposition du cabinet de Saint-Pétersbourg, et il entendait tenir sa parole; Tilsitt